« Nul doute que la France se relèvera de la disparition de la taxe sur le ski de fond ou sur l’archéologie enfouie ». C’est en ces termes choisis que, le 7 mars dernier, l’éditorialiste du Figaro commentait le récent rapport de l’Inspection des Finances sur les taxes qui rapportent peu, lequel rapport faisait la Une dudit journal sous le titre : « Les 192 taxes absurdes qu’il faudrait supprimer ». L’Inspection des Finances c’est, on s’en souvient (http://www.jeanpauldemoule.com/a-quoi-sert-letat/), avec la Cour des Comptes et le Conseil d’Etat, l’un des trois corps de hauts fonctionnaires les plus prestigieux et les mieux payés de la République, ces corps où rentrent en priorité les mieux placés au concours de sortie de l’Ecole nationale d’Administration – et qui ont eu tous trois à connaître de l’archéologie, l’Inspection des finances avec sans doute le plus de vindicte et d’inefficacité. Dans ce rapport, l’Inspection préconise donc la suppression d’au moins 90, et si possible de 120, de ces taxes (lesquelles rapportent néanmoins, bout à bout, plus de cinq milliards d’euros), et en particulier de celles qui rapportent moins de 100 millions d’euros chacune. Le cas de la taxe sur l’archéologie préventive (qui, rappelons-le, finance les diagnostics archéologiques préalables et alimente le Fond national pour l’archéologie préventive destiné à aider les aménageurs nécessiteux) est emblématique : elle devrait rapporter 120 millions d’euros et si elle rapporte moins, c’est que l’Inspection des Finances … n’a pas fait son travail, puisque c’est elle qui est sensée la calculer !
L’éditorial du Figaro est d’autant plus savoureux qu’il figure juste sous une grande photo de … Pompéi, qui illustre un article sur le célèbre site italien et dont la légende se désole de l’état d’abandon (réel et préoccupant) de la ville antique, en grande partie victime de la Camorra. Visiblement, les journalistes n’ont pas été sensibles à l’ironie (noire) de leur mise en page. On peut d’ailleurs se demander pourquoi, sur les 192 taxes examinées par l’Inspection, c’est justement, à côté d’un très petit nombre d’autres taxes citées en exemple, celle de l’archéologie qui a retenu la méprisante vindicte de l’éditorialiste du Figaro. L’archéologie avait été déjà citée une première fois lors d’un autre article de journal commentant ce rapport en cours de l’Inspection. Pourquoi certains de ces inspecteurs ont-ils ainsi tenu à prendre cet exemple particulier lors leurs conversations auprès des journalistes, le rapport n’étant pas encore public ?
Déjà, il y a un an, le rapport Boulard-Lambert sur « la simplification des normes administratives » s’en était pris explicitement à l’archéologie préventive, visiblement principale coupable de nos difficultés économiques, dans l’attente d’un « choc de simplification », rapport qui contenait entre autres cette perle : « L’abus du devoir de « mémoire archéologique » peut parfois obérer « le devoir d’avenir » » (cf. http://www.jeanpauldemoule.com/livre-blanc-ce-nest-quun-debut/).
Mais pourquoi tant de hargne ? Faut-il rappeler encore une fois la fameuse phrase, retrouvée par notre collègue Alain Schnapp, du pair de France Charles de Montalembert qui s’indignait en 1833 déjà, dans la Revue des deux mondes, des destructions de monuments historiques perpétrées partout en France par des notables avides et ignares : « La mémoire du passé ne devient importune que lorsque la conscience du présent est honteuse » …
Comment casser les prix
En ces temps de désillusions politiques, celles-ci touchent aussi l’archéologie. Le fameux discours de la ministre Aurélie Filippetti à Saint Rémy de Provence en juin 2012, promettant une réforme de l’archéologie préventive, avait suscité beaucoup d’espoirs. Les moyens n’avaient pas été ensuite donnés à la commission, habilement composée, du Livre Blanc pour enquêter vraiment, à côté du bilan scientifique, sur le volet « économique et social » de l’archéologie commerciale (comme le stipulait pourtant son titre), pas plus d’ailleurs que ne l’a fait le rapport de la Cour des Comptes sur l’Inrap – avec ses présupposés idéologiques éclatants quant à la concurrence commerciale et son ignorance flagrante quant au fonctionnement de la recherche scientifique. On ne dispose toujours, sur ce sujet préoccupant, que du rapport de la CGT-Culture (http://www.cgt-culture.fr/IMG/pdf/CGT_Secteur_prive_archeologie_preventive.pdf), lequel n’a été démenti par personne, même si la Cour des Comptes ou le ministère de la Culture persistent à faire comme s’il n’existait pas.
Pourtant la situation n’a fait que s’aggraver depuis. En effet, la crise économique a rendu la concurrence commerciale encore plus sauvage, mettant en difficulté l’Inrap mais aussi les services archéologiques de collectivités territoriales (comme commencent enfin à le reconnaître certains de nos collègues de ces services, jusqu’à présent aveuglés ou iréniques), ainsi qu’on peut le voir en Alsace, mais aussi ailleurs. Certaines entreprises privées continuent à se porter fort bien, du moins lorsque leurs bilans sont publiés – on aimerait connaître les bilans de celles qui, contrairement à la loi, ne les rendent pas publics, surtout lorsque ce sont celles qui « cassent » le plus les prix, au point que l’on a du mal, à la fois à comprendre comment elles s’équilibrent, mais surtout comment elles réalisent leurs objectifs affichés. Or on doit bien reconnaître que le contrôle scientifique mené par les services archéologiques régionaux du ministère de la Culture est déficient, le plus souvent faute d’effectifs (voire de compétences sur telle ou telle période chronologique, non représentée dans des services exsangues), mais parfois, hélas, faute de volonté.
La méthode pour casser les prix est simple. Il suffit de minimiser le coût de la fouille en prétendant que, malgré les diagnostics préalables réalisés par l’Inrap ou un service de collectivité, les structures à fouiller ne sont pas si nombreuses ni si complexes. Il faut évidemment pouvoir alors bénéficier de l’aval du service régional de l’archéologie. Ainsi récemment à Compans en Ile de France, le diagnostic de l’Inrap avait clairement montré que plusieurs maisons néolithiques étaient à attendre – le substrat des plateaux franciliens étant en outre de lecture très complexe et nécessitant de bonnes compétences. Une entreprise commerciale, non familière avec la région, a emporté le « marché » en prétendant qu’il n’y en avait qu’une, et personne n’a été ensuite en mesure de le vérifier. Au château de Pau, en Aquitaine, pour une opération d’archéologie du bâti toute aussi complexe, le devis moins élevé de moitié présenté par une entreprise privée a obtenu le « marché » contre toute vraisemblance scientifique, là encore sans qu’un véritable contrôle s’exerce, ni avant, ni pendant, ni après. A Koenigsmacker en Lorraine, sur un village néolithique Rubané d’une extrême densité et qui mériterait en réalité d’être inscrit en réserve archéologique, l’entreprise privée présente également, avec l’appui intéressé du maire de la commune, un devis déraisonnablement bas. Cette fois le contrôle scientifique fonctionne et le service régional de l’archéologie s’y oppose, soutenu par la Commission interrégionale de la recherche archéologique (CIRA) ; l’issue de ce bras de fer n’est pas encore connue, mais la sous-direction de l’archéologie fait jusqu’à présent preuve d’une étrange mollesse sur un dossier pourtant emblématique.
Pourtant, à la suite de la journée de grèves et de manifestations archéologiques du 19 novembre 2013, le cabinet du ministère de la Culture et sa « direction des patrimoines » s’étaient engagés auprès de la délégation syndicale (qui comprenait aussi des représentants de salariés des entreprises commerciales) à approfondir trois « scénarios », en particulier dans leur dimension économique. Ces trois scénarios étaient : le statu quo de l’actuelle loi de 2003 ; ou bien le retour à la loi de 2001 avec ses différentes conséquences ; ou encore un statu quo « amélioré », avec un contrôle renforcé des entreprises commerciales, un soutien aux missions de service public de l’Inrap et la création d’un « pôle public d’archéologie » réunissant l’ensemble des institutions publiques opérant en archéologie préventive.
Bruxelles comme argument et chiffres introuvables
Plusieurs réunions ont eu lieu depuis entre les représentants syndicaux et la direction des patrimoines, qui ont donné l’impression aux participants, à tort ou à raison, que le ministère cherchait surtout à gagner du temps. Sans surprise, le retour à la loi de 2001 a été écarté au nom de l’épouvantail bruxellois et de la concurrence libre et non faussée, épouvantail qui est, on le sait, à géométrie variable : les gouvernements français successifs se sont assis sans vergogne sur un certain nombre de directives européennes, notamment en matière de protection de l’environnement et de qualité de l’eau ou de l’air, afin de protéger les intérêts des lobbys agricoles et routiers – au prix de catastrophes sanitaires prévisibles, mais il est vrai à retardement (comme l’amiante, au hasard).
L’épouvantail bruxellois avait aussi été agité en 1998 par le Conseil de la Concurrence qui tentait d’imposer la mise en concurrence de l’archéologie – jusqu’à ce que l’expertise juridique approfondie du conseiller Bernard Pêcheur montre, y compris à partir de la jurisprudence bruxelloise, qu’un monopole public était parfaitement concevable ; ce que validèrent ensuite les autorités de Bruxelles, avant que le gouvernement Raffarin et sa majorité parlementaire ne mettent en pièces la loi de 2001, avec les conséquences que l’on voit. Le retour à la loi de 2001 reste donc d’actualité.
Quant aux deux autres « scénarios », la différence entre le « statu quo » et le « statu quo amélioré » pourrait paraître infinitésimale. En effet, le contrôle des entreprises commerciales est prévu dans la loi actuelle : pour prendre les trois cas donnés ci-dessus en exemple, comme d’autres précédemment (la villa romaine de la Garanne dans les Bouches du Rhône), un fonctionnement normal du contrôle aurait dû les empêcher. En revanche, le renforcement affirmé du contrôle ne résout aucun des nombreux dysfonctionnements structurels de l’archéologie commerciale (en matière de publications, de documentation, de choix du responsable d’opération le plus compétent, de segmentation de la chaîne scientifique, de passerelles entre institutions, de respect des normes environnementales et autres, etc, etc). En outre, l’engagement pris par l’administration du ministère était de faire une expertise budgétaire complète de la situation présente et des projections pour les années à venir. Si des tableaux ont bien été envoyés aux organisations syndicales, ceux-ci sont loin d’être exacts et loin d’être complets. D’expérience, il est difficile de distinguer depuis plusieurs années, de la part de cette haute administration, entre ce qui relève de l’incurie (et peut-être aussi du manque de moyens) et ce qui relève de la mauvaise volonté, sinon de la volonté de nuire. La direction des patrimoines (dont le directeur est pourtant un budgétaire de formation, à défaut d’avoir une connaissance approfondie des politiques culturelles) semble n’avoir toujours pas pris conscience que le statu quo actuel mène l’Inrap et le service public droit dans le mur et persiste dans la dénégation – à moins que certains ne s’accommodent d’une telle situation.
Il est vrai que la ministre de la Culture a dans l’immédiat d’autres priorités, numéro deux sur la liste du maire sortant socialiste de Metz, liste sur laquelle figure aussi … Jean-Jacques Aillagon, l’un de ses prédécesseurs au ministère et à qui l’on doit la loi de 2003 sur la concurrence commerciale en archéologie. Ravagé par les réductions de personnels et de budget, « saigné à blanc » selon les mots de la ministre elle-même, le ministère de la Culture, naguère porte-drapeau des politiques socialistes, est en piteux état. Jack Ralite, l’une des grandes voix de gauche en matière de politiques culturelles, vient d’adresser au président de la République deux lettres ouvertes signées par 150 personnalités de la culture (mais la liste ne cesse de s’allonger) pour le mettre en garde contre ce désastre : http ://cmf.openassos.fr/fileadmin/user_upload/12097/images/fichiers_pdf/lettre-ouverte.pdf ; http://www.journal-laterrasse.fr/nouvelle-lettre-de-jack-ralite-au-president-francois-hollande/.
Echéances et résistances
Certes, la mode reste au social-libéralisme, lequel, appuyé sur les politiques autistes d’austérité et de démantèlement des services publics, reste en effet le dogme dominant à Bruxelles – ce qui fait merveille pour la progression des extrêmes droites populistes, comme risquent de le confirmer sinistrement les élections européennes de mai prochain. Pourtant, tout n’est pas irrémédiable. L’Allemagne triomphante a fini par admettre, entre autres, la nécessité d’un salaire minimum. Dans l’Italie enfin sortie du berlusconisme, Matteo Renzi, nouveau président du conseil et de centre-gauche, qualifie de « pacte de stupidité » (« patto di stupidità ») le sacro-saint « pacte de stabilité » des autorités bruxelloises, qui ne vont donc pas lui faciliter la tâche, aidées de leurs fidèles « agences de notation ».
J’ai participé récemment à une campagne d’évaluation internationale, financée sinon dictée par la Commission de Bruxelles, des universités grecques (il m’avait semblé plus utile d’y participer plutôt que de refuser). On sentait, sans être excessivement adepte des théories du complot et au vu du questionnaire-type, que le modèle des universités privées pouvait être suggéré en filigrane comme remède absolu et définitif aux difficultés de ces institutions publiques. A l’université de Komotini cependant, en plein mois de janvier et par une température extérieure au dessous de zéro, le principal problème du moment était que le budget ne permettait de chauffer les locaux que … six heures par jour. Comme nous l’expliqua le vice-recteur, leur seul mot d’ordre était pour l’instant : survivre – alors même que les enseignements dispensés sont de qualité, et les motivations des enseignants et des étudiants, intactes et réconfortantes. « La Grèce comme ligne d’horizon ? », c’était le texte que j’avais écrit sur ce même blog il y a exactement deux ans : http ://www.jeanpauldemoule.com/la-grece-comme-ligne-dhorizon/.
Nul doute que la célèbre troïka (qui réunit la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI) ne continue à faire de la Grèce un terrain d’expérience néolibérale. Pourtant les Grecs, malgré l’existence d’un parti néonazi particulièrement infréquentable, se tournent désormais, si l’on en croit les sondages, vers le nouveau parti de gauche alternatif (le parti Syriza), un mouvement que n’a su susciter chez elle, face à l’extrême droite populiste, la gauche de la gauche française. La résignation n’est pas une fatalité. Sur les murs de l’université de Komotini, deux inscriptions au hasard : « tu as le choix entre être pute ou être maquereau », ou encore : « la crise pour nous, le fric pour eux » ou plus littéralement : « la crise c’est pour nous, les Crésus, c’est eux » [en toutes lettres : « krisê emeis, kroisoi autoi », mais en prononciation réelle : « krisi émis, krisi afti »].
Pour en revenir à notre modeste champ scientifique, il faudra bien aussi que les choses bougent : depuis quatre décennies, elles n’ont bougé, et avancé, que dans le rapport de force.
L’échéance à court terme reste donc le contenu de la future loi sur le patrimoine, avec au moins trois questions importantes : la propriété du mobilier archéologique ; le maîtrise d’ouvrage archéologique, c’est-à-dire la question du choix de l’intervenant archéologique ; et enfin la définition d’un « pôle public de l’archéologie ». Cette dernière notion, qui reste à construire, devrait en particulier éviter les concurrences absurdes entre services publics. Elle devrait s’articuler avec la future loi de décentralisation qui, si elle ne signe pas la mort définitive des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), actuellement à l’agonie, devrait s’efforcer, dans le domaine de l’archéologie préventive, d’harmoniser les partages de compétence entre les services archéologiques territoriaux et l’Inrap, voire les laboratoires universitaires et du CNRS.
Autre échéance à court terme, le changement de « gouvernance » (pour reprendre cet anglicisme libéral et managérial qui n’est pas innocent, car il chosifie et prive de sujet l’action de gouverner – mais ceci est une autre question) à l’Institut national de recherches archéologiques préventives, avec l’arrivée d’un nouveau président (ou d’une présidente) doté de plus de pouvoirs, et d’un nouveau directeur scientifique. C’est la raison même d’être de cet institut, c’est à dire d’articuler et d’harmoniser toute la politique scientifique de l’archéologie préventive française, qui devra donc faire l’objet dans les mois à venir d’élaborations poussées.
*
* *
Deux autres informations plus légères pour finir, et qui n’ont rien à voir, encore que :
D’une part, la parution, déjà annoncée précédemment (http://www.jeanpauldemoule.com/portfolio/bordage-p-demoule-j-p-lehoucq-r-steyer-j-s-2014-exquise-planete-odile-jacob/), de notre livre collectif Exquise Planète, réunissant un astrophysicien, un paléontologue, un archéologue et un célèbre auteur de science fiction sur le principe du cadavre exquis. On y pose notamment, à côté d’autres planètes et d’autres formes de vie possibles, plusieurs questions archéologiques intéressantes : et si le néolithique ne s’était pas diffusé ? Et si les Romains avaient inventé le capitalisme ? Et si les Aztèques et les Incas avaient, comme les Japonais et les Chinois, tenu à distance les Occidentaux ? Voir par exemple l’émission « On va tous y passer » sur France Inter du mercredi 19 mars 2014 à la rubrique « le savant du jour ».
L’autre information est la tenue de l’exposition « La bande à Niki » consacrée aux Nouveaux Réalistes au « Musée en Herbe » de Paris, dans le premier arrondissement de la capitale. Destinée aux enfants, cette exposition reprend la fouille récente du Déjeuner sous l’Herbe de Daniel Spoerri (cf. http://www.jeanpauldemoule.com/a-propos-du-dejeuner-sous-lherbe-de-daniel-spoerri/) et illustre la rencontre récente entre l’archéologie et l’art contemporain : http://60gp.ovh.net/~museeenh/index.php?/evenements/nos-zactualites/
Voir aussi l’émission « La Tête au Carré » sur France Inter du lundi 17 mars 2014.
8 Commentaire
Participez à la discussion et dites-nous votre opinion.
« Pourtant les Grecs (…) se tournent désormais, si l’on en croit les sondages, vers le nouveau parti de gauche alternatif (le parti Syriza), un mouvement que n’a su susciter chez elle, face à l’extrême droite populiste, la gauche de la gauche française. »
Patience, patience, on y travaille… à rendre la planète exquise 😉 😉
Ainsi qu’à montrer ce que l’alliance Troïka-Droite-Pasok [NDLR : le hollandisme local en plus véreux] a fait le la Grèce.
On a besoin de renforts !!!!!
Bien à toi,
Boris Valentin qui lutte aussi plus que jamais
Cher Collègue,
je suis encore très heureux de vous lire. Enfin, heureux n’est certainement pas le bon mot, mais vous aurez compris. J’ai été très sensible à ce que vous dites de la Grèce, de Komotini en particulier : c’est une situation que je connais aussi bien dans le services archéologiques (les Éphories) que dans les Universités, où les Collègues souffrent d’une manière dont on n’a rarement idée en France, les collègues commes les étudiants d’ailleurs. Je m’avise à la lecture de votre papier que voilà longtemps que les familiers de ce pays auraient dû intervenir de manière publique, dans la presse nationale par exemple. Plusieurs d’entre nous sommes très proches de nos amis grecs … mais nous avons peu l’habitude de réagir de manière collective et publique : dans certains cas, c’est sans doute une faute. Je vous signale, à tout hasard, la publication récente d’une synthèse d’O. Delorme sur l’Histoire de la Grèce et des Balkans (Folio Histoire). Le troisième volume est consacrée en grande partie à la crise. Le parti est évident et parfois systématique : mais pour une fois qu’on n’est pas obligé d’écouter le brouet libéral ……
Avec mes respectueuses et cordiales salutations,
JYM.
—
Jean-Yves MARC,
Ancien membre de l’École française d’Athènes,
Directeur de l’Institut d’archéologie classique,
Professeur d’archéologie romaine,
Université de Strasbourg – École Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg.
Jean-Paul,
A propos du chantier cité de Compans, les données mentionnées ne sont que les résultats du rapport de diagnostic, retranscrits dans le cahier des charges de la prescription. Ce ne sont donc pas les conclusions d’un chantier qui n’a pas encore débuté.
J’invite donc tous les détracteurs potentiels (et les autres bien entendu!) à venir en discuter sur place!
Je reste convaincue que l’archéologie préventive a toutes ses lettres de noblesse à faire valoir auprès des autorités de l’État et du public, pour autant qu’elle ne fasse pas l’objet des bassesses revanchardes de certains. Il s’agit d’une discipline scientifique, pas d’une tribune politique.
Je remercie vivement Anne Hauseur, de la société privée Paléotime, qui a emporté le « marché » du site néolithique de Compans en Ile de France, pour cette proposition. Le contrôle scientifique officiel de cette fouille à venir est en effet d’autant plus difficile, que le service régional d’archéologie d’Ile de France ne dispose pas de spécialiste du néolithique – concernant un site qui, répétons-le, est à la fois important (les sites de plateaux sont rares) et de lecture sédimentaire très délicate. Nul doute que les néolithiciens du Bassin parisien seront sensibles à cette invitation. Seul un suivi attentif de la fouille permettra de vérifier si le devis correspondait bien au potentiel archéologique de la fouille tel qu’il apparaissait au diagnostic, ou bien s’il a été substantiellement sous-évalué.
Il est très souhaitable que des suivis comparables puissent être effectués, comme cela avait été le cas pour la ville romaine de la Garanne dans les Bouches du Rhône, ou pour le site néolithique de Florange en Lorraine (ce dernier avait montré un taux d’informations égal au dixième de celui fourni par des sites comparables fouillés dans le cadre d’organismes publics) ; outre Compans, mon texte ci-dessus cite en particulier le château de Pau.
Quant au rapport entre la science et la politique, l’archéologue, et donc historienne, qu’est Anne Hauseur ne peut ignorer que la recherche scientifique ne s’effectue pas hors de la société qui la finance. Chacun sait que ce n’est pas pour des raisons scientifiques que le gouvernement de 2003 et sa majorité parlementaire ont introduit la concurrence commerciale en archéologie, mais bien pour des raisons ouvertement idéologiques et politiques (tout comme l’invocation de la réglementation de l’U.E.). La science ne s’en est pas trouvée mieux, bien au contraire, et la plupart des archéologues français ne considèrent donc pas ce combat comme perdu.
Je partage votre point de vue sur la situation de la culture en général, et de l’archéologie en particulier. Mais je suis par ailleurs entièrement d’accord au sujet du constat (amer) qui s’impose sur l’évolution de l’INRAP. Quel gâchis ! Et pour une bonne part, d’origine interne. On aurait pu, on aurait dû, éviter d’en arriver à une telle machine.
Pour bien connaître François Hollande, je sais qu’il ne comprend qu’une seule chose : le rapport de force. Mais comment le faire tourner à l’avantage de l’archéologie alors que cette discipline est déjà fortement divisée pour diverses raisons (et pas uniquement la question public/privé). De mon point de vue, il est clair qu’il n’y a rien à attendre d’une grande partie des élus qui ne voient l’archéologie que comme une contrainte dont il pourraient bien se passer. Je trouve qu’il manque une structure, peut-être associative, qui fédère toutes les bonnes volontés et pèse face aux politiques et permette de relayer le message dans les médias (car malheureusement nous sommes aujourd’hui dans une société de la communication).
Bonjour,
Où trouvez la force de lutter? Dans le collectif! Le meilleur moyen de défendre notre conception de l’archéologie préventive publique, c’est de se rassembler. Voilà pourquoi l’intersyndicale (CGT-Sud-FSU-CNT) a appelé à la grève demain les personnels des SRA, de l’Inrap…et tous les autres archéologues à se mobiliser avec des manifestations spécifiques Archéo dans 3 villes de France: Metz, Nantes et Marseille. Soyons nombreux et visibles dans ces 3 manifs. L’énergie, c’est dans cette grande union des archéologues que nous la trouvons, et des journées comme celle du 19 novembre dernier à Paris et comme celle de demain font du bien au moral!
A demain
Certains SRA poussent, favorisent, instrumentalisent les opérateurs privés et les services de collectivité contre l’Inrap, ou parfois l’inverse, pour rendre les contestataires plus dociles. Pourquoi voulez-vous qu’ils renoncent à ce pouvoir ? Quelle aubaine extraordinaire que la loi de 2003 pour ceux qui n’ont jamais voulu de cet institut. Et cet institut, que devient-il ? Une boîte de contrôleurs qui asservissent les archéologues, les privent de toute autonomie, formatent leurs opérations, les culpabilisent dans leurs demandes légitimes de temps et de moyens, jugent de tout sans rien savoir, les contraignent à des ratios et à des attitudes antagonistes.
Je ne sais pas, Jean-Paul, où vous trouvez la force et l’énergie de lutter encore.