La fin des vacances et des campagnes de fouilles estivales nous rappelle, si jamais nous l’avions oublié, qu’il n’y a pas de recherche sans politique de la recherche – en archéologie comme ailleurs, et sans doute en archéologie plus qu’ailleurs, tant ce domaine de recherche est dépendant des conditions économiques, sociales et politiques du moment.
Depuis la remise du Livre Blanc sur l’archéologie préventive à la ministre de la Culture, cinq mois ont passé, sans que des décisions politiques précises aient été encore annoncées officiellement. Du moins, officieusement, est-il toujours question que la loi sur le Patrimoine, souhaitée par la ministre, soit soumise au Conseil des ministres avant la fin de l’année 2013, pour un passage au parlement en 2014. Reste à savoir ce qui y figurera quant à son volet archéologique, ce qui ne semble pas encore totalement arrêté. Tout projet de loi demande en effet un arbitrage interministériel préalable, et l’on sait que le ministère de la Culture, quels que soient les gouvernements, ne pèse pas toujours très lourd face aux intérêts des aménageurs publics et privés. Le récent rapport des deux parlementaires, l’un de gauche, l’autre de droite, sur la simplification des normes administratives en aura encore été l’une des illustrations ; et les projets d’un « choc de simplification » sensé relancer la croissance, peuvent à juste titre susciter de l’inquiétude. Quant à ce qui, dans le prolongement du Livre Blanc, ne relève pas de la loi mais de décrets ou de circulaires, voire d’un changement d’attitude de certaines administrations, on devrait en voir raisonnablement la concrétisation dans ce même dernier trimestre. Mais une partie demandera aussi des arbitrages interministériels.
Un nouvel Appel des archéologues
Ces cinq derniers mois n’ont cependant pas été vides, puisque l’on peut mentionner quatre textes importants, d’inégale longueur.
Le premier texte est, dans la suite du Livre Blanc, le nouvel Appel des archéologues, lequel a été remis à la ministre de la Culture le 9 juillet dernier et doit l’être prochainement à la ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur. Il réaffirme en dix points ce qui l’avait déjà été en juin 2012, tout en tenant compte du chemin parcouru depuis. Il réaffirme en particulier, tout comme le Livre Blanc, la prééminence d’une logique scientifique sur la logique commerciale, à l’inverse de la politique menée depuis 2003, et qui a montré ses effets désastreux. Il réclame aussi que le ministère de la Recherche assume enfin ses responsabilités au lieu de sembler les fuir. On trouvera ce texte ci-dessous. Une soixantaine de collègues du CNRS et de l’université l’ont signé, dans une liste fermée, qui comporte pour l’essentiel les noms de chercheurs qui exercent ou ont exercé d’importantes responsabilités scientifiques et représentent par là l’opinion largement majoritaire de la communauté scientifique.
Le second texte est le bilan, accablant, qu’a dressé sur l’archéologie commerciale privée le Syndicat Général des Personnels du Service Public de l’Archéologie de la CGT-Culture dans un rapport intitulé « Le secteur privé en archéologie préventive » et que l’on peut lire sur ce lien :
http://www.cgtculture.fr/IMG/pdf/CGT_Secteur_prive_archeologie_preventive.pdf.
Ce bilan aurait pu ou dû être fait par la Commission du Livre Blanc, si elle en avait eu les moyens matériels. Il aurait pu ou dû être fait par le ministère de la Culture et sa sous-direction de l’archéologie. Mais surtout, il aurait dû être fait par la Cour des Comptes, dans son tout récent rapport sur lequel nous allons revenir. Accablant, le rapport du SGPA l’est parce qu’il est irréfutable et n’a d’ailleurs pas été démenti. Une carte montre par exemple que tout se passe comme si les entreprises privées s’étaient, à l’exception de l’une d’entre elles, partagé le territoire, en contradiction avec la « concurrence libre et non faussée » de la langue de bois bruxelloise. Mais surtout, le rapport prouve comment la petite dizaine d’actionnaires de ces entreprises privées a élaboré des montages financiers très sophistiqués, permettant en particulier de mettre à l’abri, en cas de difficultés, leurs biens immobiliers ; et comment, contrairement à toute attente, lesdits actionnaires engrangent chaque année de confortables bénéfices, en sus des salaires qu’ils s’octroient. Comme le remarque le rapport, « on est loin de la petite entreprise « militante », créée par quelques archéologues passionnés ». Les documents sur lesquels s’appuie cette étude sont parfaitement publics – à l’exception de ceux que, contrairement à leurs obligations légales, certaines entreprises n’ont pas encore fournis, bilans financiers par exemple.
Gagner de l’argent légalement n’est pas un délit. En revanche, au moment même où la moralisation de la vie publique est au centre des débats, s’enrichir avec de l’argent provenant des aménageurs publics et privés et destiné au sauvetage scientifique de notre patrimoine archéologique – cela pose un grave problème moral.
Le « référé » de la Cour des Comptes et sa réponse
Venons-en au rapport de la Cour des Comptes sur l’Inrap. Dans un précédent texte (http://jeanpauldemoule.wordpress.com/2013/01/07/a-quoi-sert-letat/), j’avais rappelé comment la Cour des Comptes, naguère sévère avec le montage AFAN du ministère de la Culture, avait sagement laissé dix ans de croissance à l’Inrap avant d’en réalisé un audit fouillé. Sorti en juin dernier mais diffusé seulement maintenant, et prolongé par un « référé » (http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/L-Institut-national-de-recherches-archeologiques-preventives) adressé à la ministre de la Culture, ce rapport ne manque pas d’intérêt, car il montre avec minutie comment, au cours des dix précédentes années, le ministère de la Culture et ses administrations se sont comme ingénié, par mauvaise volonté comme par impéritie, suivant les moments, à ne pas assumer l’existence de leur établissement public. Mais ce rapport comporte aussi deux failles majeures sur lesquelles je reviendrai prochainement, et que chacun peut vérifier de lui-même en lisant le rapport complet.
La première faille concerne la recherche scientifique, l’autre la concurrence commerciale. Visiblement, les conseillers qui ont rédigé ce rapport ne connaissent pas la recherche. Nul certes ne saurait être omniscient, et la plupart des archéologues ne prétendent pas l’être, par exemple, en matière de comptabilité publique. Mais du moins évitent-ils alors d’en parler. La manière dont ces conseillers énoncent gravement que l’Inrap n’a pas à faire de recherche scientifique, et encore moins en prendre la responsabilité, est assez désolant, s’agissant d’une instance de ce niveau. Il est vrai que le parti-pris était d’emblée, puisque ceux qui ont été auditionnés lors de la rédaction de ce rapport, dont moi-même en tant qu’ancien président de cette institution, se voyaient soumettre au préalable la trame d’un questionnaire entièrement orienté. Plus grave peut-être est la position attribuée au ministère de la Recherche quant à l’Inrap, sur laquelle il faudra aussi revenir.
La seconde faille relève moins de l’ignorance que de l’idéologie. Et c’est pourquoi il faudra y revenir aussi. La concurrence commerciale y est en effet assénée comme un dogme intangible. Les propos de la ministre de la Culture lors de son discours de Saint-Rémy-de-Provence, lorsqu’elle soulignait les dangers de la concurrence, sont soigneusement relevés et une longue défense et illustration de ladite concurrence s’en ensuit. Défense qui prend parfois des accents pathétiques sinon lyriques, lorsque le rapport envisage les conséquences d’un retour au monopole de l’Inrap, qui « condamnerait à la faillite la vingtaine d’entreprises agréées par l’État qui se sont lancées sur ce marché en toute confiance » (p. 27). Quant aux excès possibles de la concurrence commerciale, notamment ceux qui lui ont été signalés par l’Inrap, le rapport, après avoir donc consacré de longs développements à défendre ladite concurrence, avoue avec candeur que « ces éléments […] n’ont pas été instruits par la Cour ». Que n’a-t-il, justement, pris en compte les éléments parfaitement publics qui ont permis le rapport du SGPA mentionné ci-dessus ?
Au « référé » qui résume le rapport de la Cour, la ministre de la Culture a répondu dans une lettre de six pages également accessible avec le même lien ci-dessus. Cette lettre fait montre d’une certaine indépendance, toutefois mesurée. Quant aux entreprises commerciales, elle note qu’ « une réflexion est en cours en lien avec le CNRA en vue de renforcer le niveau d’exigence d’obtention et de renouvellement de l’agrément et de son contrôle » et qu’ « il sera étudié la possibilité d’améliorer la procédure du contrôle scientifique des prestations des opérateurs, en organisant de manière obligatoire une évaluation en amont de leur projet au moyen de propositions mieux normées » – ce qui appelle pour le moins des précisions. C’est en effet l’un des nœuds du problème.
La ministre rend aussi hommage aux collectivités territoriales qui ont créé leurs propres services archéologiques et souligne que « loin de représenter des concurrents de l’opérateur historique créé par l’Etat, ces services constituent au contraire de solides partenaires du service public de l’archéologie ». Elle en appelle à ce que « les conventions passées avec l’INRAP soient enrichies ». Ce rappel n’est pas vain, à l’heure où certains de nos collègues des collectivités territoriales continuent de s’imaginer en chefs d’entreprises sur un marché concurrentiel, alors même que leur position est extrêmement fragile : ces services, créés à contre-courant de l’actuelle tendance historique à sous-traiter et à externaliser de plus en plus de fonctions, sont très vulnérables au moindre changement de majorité départementale ou municipale. Nos collègues auraient donc tout intérêt à renforcer un partenariat de service public.
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Telles sont donc les pièces du dossier politique de l’archéologie préventive en ce moment de Rentrée. Ce dernier trimestre de l’année 2013 verra donc, ou bien des gestes décisifs pour un redressement significatif de l’archéologie préventive, ou bien son enlisement durable. Il n’est pas certain en effet que toute la haute administration du ministère de la Culture, après dix ans de ministres conservateurs, soit animée d’un fort esprit de réforme. Une bonne part de ce qui se décidera est donc entre les mains des archéologues eux-mêmes.
On trouvera ci-dessous le texte de notre Appel, avec ses signataires à ce jour, Appel qui constitue, dans la lignée du Livre Blanc, la plate-forme minimale de toute réforme responsable, et néanmoins incontournable :
Archéologie préventive : l’urgence de la réforme !
L’Appel des archéologues remis en juillet 2012 à Madame la Ministre de la Culture et de la Communication ainsi qu’à Madame la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a été certainement l’un des événements qui ont contribué à la mise sur pied de la commission dite « d’évaluation scientifique, économique et sociale de l’archéologie préventive », chargée de rédiger le « Livre blanc de l’archéologie préventive », livre remis à la Ministre de la Culture le 29 mars 2013. Cette dernière a fait savoir à plusieurs reprises son souci d’améliorer notablement le dispositif actuel de l’archéologie préventive.
Ce livre blanc dresse un constat utile et approfondi de la situation actuelle de l’archéologie préventive – situation qui ne satisfait personne – et propose un certain nombre de mesures, les unes relevant de la réforme législative prévue dans le cadre de la future loi sur les patrimoines, les autres d’une amélioration des pratiques de politique scientifique et administrative. Comme l’affirme la commission : « l’archéologie n’est pas une activité de travaux publics mais de recherche à la fois fondamentale et appliquée. Elle ne saurait donc s’inscrire dans une logique purement commerciale ».
Toutefois, la composition de la commission et les moyens qui lui ont été attribués n’ont pas pu conduire à une analyse exhaustive de tous les problèmes actuels dont le développement d’une archéologie privée, artificiellement favorisée en 2003 dans l’espoir que l’introduction de la concurrence permettrait de faire baisser le coût des opérations, même au détriment de leur qualité. Cette approche économiste, l’octroi des opérations de fouilles au moins-disant, qui ne tient pas compte des exigences inhérentes à la discipline, est en train de déstabiliser durablement, voire de menacer directement l’existence des organismes publics, Inrap et services archéologiques de collectivités, au prix d’une indéniable déperdition scientifique. Elle peut, demain, conduire à un développement d’opérations archéologiques plus guidées par la recherche de bénéfices financiers que par la préservation du patrimoine, les exigences de la recherchescientifique et le respect des normes sociales. Au moment où s’achèvent les indispensables phases de concertation en direction des différents acteurs concernés, il est donc indispensable que l’actuelle administration du Ministère de la Culture s’empresse de mettre en œuvre l’ensemble des préconisations du Livre blanc, dans toutes leurs conséquences concrètes.
De plus, nous tenons à attirer l’attention du gouvernement sur la nécessité impérative de mettre en oeuvre les mesures urgentes suivantes :
1) Le choix de l’intervenant archéologique en matière d’archéologie préventive ne doit plus dépendre de l’aménageur dans le cadre d’un marché concurrentiel, mais résulter d’une décision scientifique sous l’égide de l’Etat.
2) L’archéologie doit relever d’une « servitude d’intérêt public », à l’instar de ce qui existe pour le patrimoine « visible », Monuments Historiques notamment.
3) Le mobilier archéologique, comme il est proposé dans le Livre blanc et comme les services ministériels le suggèrent par une expertise en cours, doit devenir propriété nationale, à l’instar de nombreux autres pays européens.
4) La redevance d’archéologie préventive, erratique depuis plus de dix ans, doit être définitivement consolidée, comme cela a commencé d’être entrepris lors du vote de la Loi de finance pour l’année 2013.
5) L’archéologie doit se pratiquer dans le cadre d’une politique de développement équilibrée à l’échelle de l’ensemble du territoire national et la législation doit être complétée en ce qui concerne les travaux agricoles et forestiers, les interventions sur les immeubles bâtis, classés ou non, ou encore les destructions dues à des causes naturelles.
6) Les organismes agréés pour les fouilles archéologiques doivent être soumis à un contrôle strict de la part du Conseil national de la recherche archéologiques et des services du ministère de la Culture, non seulement quant à la qualité de leurs travaux et à leur rendu, mais aussi quant à leur insertion dans le paysage scientifique national et le respect de l’ensemble des normes sociales, fiscales, environnementales et de sécurité.
7) Pour ce faire, les services régionaux du ministère de la Culture, par ailleurs confrontés aux départs en retraite prévus à court terme, doivent être sensiblement renforcés.
8) L’Institut national de recherches archéologiques préventives doit obtenir un véritable statut d’institut de recherche et être considéré comme tel par les deux ministères de tutelle. Il doit remplir pleinement son rôle d’intervenant scientifique principal sur l’ensemble du territoire en matière d’archéologie préventive, en liaison étroite avec les autres services publics de recherche.
9) Une coopération interministérielle effective doit permettre un financement renforcé des activités de recherche postérieures à la fouille, en particulier les publications, le renseignement d’une banque unique de données consultable en ligne sous l’égide du Ministère de la Culture, ainsi que des appels d’offres scientifiques tels qu’ils ont pu exister auparavant avec les « actions thématiques programmées » ou les « actions concertées de recherche ».
10) Une coopération interinstitutionnelle doit resserrer les liens, par des conventionnements systématiques, entre tous les acteurs de la recherche publique (ministère de la Culture, collectivités territoriales, Inrap, CNRS, Universités), aussi bien sur le terrain, pour la définition de travaux de recherche communs, que dans l’établissement de passerelles permanentes entre les différents organismes, permettant une gestion des personnels sur le long terme. La nouvelle programmation nationale conduite par le CNRA doit faciliter cette dynamique.
Seules ces mesures minimales seront à même de permettre le sauvetage, la protection et l’étude scientifique d’un patrimoine archéologique national par définition non renouvelable, menacé par une érosion continue et croissante, et dont nous sommes comptables devant toutes les générations à venir.
Premiers signataires (par ordre alphabétique) : Françoise Audouze (directrice de recherche émérite au CNRS, ancienne directrice du Centre de recherche archéologique du CNRS), Maxence Bailly (maitre de conférence à l’Université d’Aix-Marseille), Philippe Barral (professeur à l’université de Franche-Comté, directeur-adjoint de l’UMR 6249 du CNRS), Sophie de Beaune (professeur à l’université de Lyon III, ancienne directrice scientifique adjointe à la direction des sciences humaines et sociales du CNRS), Alain Beeching (professeur à l’Université de Lyon II), Sylvie Boulud (maître de conférence à l’université de Nantes, UMR 6566 CReAAH), François Bon (professeur à l’université de Toulouse 2 Le Mirail), Jean-Pierre Bracco (professeur à l’université de Provence, responsable de l’UMR 7269 – Lampea), Jean-Pierre Brun (professeur au Collège de France, ancien directeur du Centre Jean Bérard à Naples), Patrice Brun (professeur à l’université de Paris I), Joëlle Burnouf (professeur émérite à l’Université de Paris I, ancienne conservatrice régionale de l’archéologie), Olivier de Cazanove (professeur à l’Université de Paris I), Anick Coudart (directrice de recherche au CNRS, ancienne directrice de la revue Les Nouvelles de l’Archéologie), Jean-Paul Demoule (Professeur à l’Université de Paris I, membre de l’IUF et ancien président de l’Inrap), Françoise Dumasy (professeur émérite à l’université de Paris I, ancienne directrice de l’UFR d’Art et Archéologie, Paris I), Roland Etienne (professeur émérite à l’université de Paris I, ancien directeur de l’Ecole française d’Athènes), François Favory (professeur à l’Université de Franche-Comté, ancien directeur scientifique adjoint au CNRS), Philippe Fluzin (directeur du laboratoire Métallurgies et Cultures, Université technologique de Belfort-Montbéliard), Henri-Paul Francfort (directeur de recherche au CNRS, président du Comité de l’Archéologie du CNRS), Gérard Fussman (professeur honoraire au Collège de France), Pierre Garmy (ancien conservateur régional de l’archéologie, ancien directeur de l’UMR 5140 – Lattes), François Giligny (professeur à l’Université de Paris I), Michel Gras (ancien directeur de l’Ecole française de Rome, ancien vice-président du Conseil national de la recherche archéologique), Pierre Gros (professeur émérite à l’université de Provence, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres), Jean Guilaine (professeur honoraire au Collège de France, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres), Xavier Gutherz (professeur à l’Université de Montpellier, ancien conservateur régional de l’archéologie), Jean-Noël Guyodo, Maître de Conférences en Préhistoire, Université de Nantes, UMR 6566 CReAAH, Augustin Holl (professeur à l’université de Paris Ouest, vice-président de l’université), Jacques Jaubert (professeur à l’Université de Bordeaux I, ancien directeur de l’UMR Pacea, président de la Société préhistorique française), Claudine Karlin (Ingénieur de recherche honoraire au CNRS, ancienne sous-directrice de l’UMR 7041 – Nanterre), Sophie Krausz (maître de conférences à l’université de Bordeaux 3, institut Ausonius), Xavier Lafon (professeur à l’Université d’Aix-Marseille, ancien directeur de l’Institut de recherche sur l’architecture antique), Olivier Lemercier (maître de conférence à l’Université de Bourgogne), Laurence Manolakakis (directrice de l’UMR 8215 – Trajectoires, Nanterre), Gregor Marchand (sous-directeur de l’UMR CReAAH, Rennes), Martial Monteil (Maître de Conférences HDR en Archéologie antique, Université de Nantes, UMR 6566 CReAAH), Arthur Muller (professeur à l’Université Charles de Gaulle, Lille, et Institut universitaire de France, UMR 8164), Anne Nissen (professeure à l’université de Paris I), Laurent Olivier (conservateur au Musée d’archéologie nationale, HDR), Pierre Ouzoulias (chargé de recherche au CNRS), Jacques Pelegrin (directeur de recherche au CNRS, directeur de l’UMR 7055, Nanterre), Catherine Perlès (professeur émérite à l’Université de Paris-Ouest, ancienne directrice de laboratoire, membre honoraire de l’Institut universitaire de France), Nicole Pigeot (professeur à l’Université de Paris I), Patrick Pion (maitre de conférence à l’Université de Paris-Ouest), Rosa Plana (professeur à l’Université Paul-Valéry, Montpellier, UMR 5140), Michel Reddé (directeur d’étude à l’EPHE, ancien vice-président du Conseil national de la recherche archéologique, ancien directeur des sciences humaines et sociales au ministère de la Recherche), Pierre Rouillard (directeur de recherche au CNRS, ancien directeur de la Maison de l’archéologie et de l’ethnologie, Nanterre), Valentine Roux (Directrice de recherche au CNRS, ancienne directrice de l’UMR 7055 – Nanterre), Maurice Sartre (professeur émérite à l’Université de Tours et à l’Institut universitaire de France), Gilles Sauron (professeur à l’Université de Paris IV – Sorbonne), Alain Schnapp (professeur à l’Université de Paris I, ancien directeur de l’Institut national d’histoire de l’art), Jean-Pierre Sodini (professeur émérite à l’Université de Paris I et à l’Institut universitaire de France, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ), Philippe Soulier (Philippe Soulier (CNRS, UMR 7041, responsable de service départemental d’archéologie et ancien chargé de mission au Ministère de la Culture), Laurence Tranoy (maître de conférence à l’Université de La Rochelle), Boris Valentin (professeur à l’Université de Paris I), Jean Vaquer (directeur de recherche au CNRS, Toulouse), Jean-Pierre Van Staëvel (professeur à l’université de Paris IV – Sorbonne), Jean-Denis Vigne (directeur de recherche au CNRS, directeur de l’UMR 7209, Muséum national d’histoire naturelle).
9 Commentaire
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Bonsoir,
j’ajoute un petit commentaire pour vous indiquer que les archéologues et salariés des opérateurs privés, agréés par l’État, ont décidé de se réunir en collectif afin d’interpeller tous les acteurs de la discipline, puisqu’aucune instance représentative n’accepte aujourd’hui de porter leur voix et de défendre leur point de vue, pourtant largement partagé.
En tant que membre de ce collectif, je vous invite à découvrir notre position en cliquant sur le lien suivant :
http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2013N45537
Je remercie Jean-Charles Oillic, docteur en archéologie et paléobotaniste dans la société privée Archéoloire, pour ce message. Son cas illustre bien le fait que, légitimement, les diplômés en archéologie, devant la restriction volontaire des postes dans le secteur public, se tournent là où ils pensent pouvoir pratiquer leur métier. Ce sera à lui de dire, à terme, son sentiment. Quant aux salariés du secteur privé, non seulement ils étaient présents dans la manifestation du 19 novembre dernier, mais ils disposent d’organisations syndicales pour porter leurs voix et défendre leurs intérêts. C’est à eux de continuer à se syndiquer, comme l’ont fait naguère les contractuels de l’Afan, ce qui a permis la création de l’Inrap. Quant aux intérêts financiers des actionnaires de ces entreprises privées, ils sont très bien défendus par leur groupe de pression, le « Syndicat national des professionnels de l’archéologie » – qui n’est néanmoins, ni un « syndicat », ni celui des « professionnels » de l’archéologie. Je développerai plus complètement dans mon prochain texte les menaces que représentent les entreprises privées pour la recherche archéologique.
[…] dernier l’Appel signé par une soixantaine d’archéologues de l’université et du CNRS (http://www.jeanpauldemoule.com/archeologie-2013-le-point-sur-la-reforme/), ainsi que dans son discours programmatique sur le patrimoine prononcé au musée Guimet le 13 […]
Bonjour,
L’utilisation du terme monopole n’avait aucune connotation péjorative comme vous semblez le ressentir, il me servait simplement à éviter une périphrase pour expliquer la situation. Je suis d’ailleurs d’accord avec vous sur le fait que l’état n’aurait pas dû libéraliser un certain nombre de domaine plus important que l’archéologie car vital pour certain (eau, électricité, gaz, transport, télécom entre autres) mais il s’agit là d’un autre sujet !
Pour répondre sur la question de l’emploi (qui est ma question d’origine), je pense avoir une certaine légitimité à en parler étant donné que j’ai eu l’occasion de travailler pour 4 collectivités, 3 entreprises privés et l’INRAP.
Je reste persuader que le fait d’affirmer que l’ensemble des employés des structures privés (les archéologues mais également les logisticiens, les administratifs, les relectrices, etc) seraient intégrer au service public au même grade, même salaire et même localisation géographique, tout ça en passant devant les actuels CDD de ce même service public, est au mieux de la naïveté, au pire un mensonge.
En ce qui concerne les embauches à l’inrap, elles sont effectivement une bonne nouvelle mais elle montre également la limite de votre raisonnement. Il a fallu en effet 3 ans de négociations pour arriver à cette vague d’embauche qui est assez limité, qui concerne des personnes travaillant 11 mois sur 12 avec l’inrap (soit l’équivalent de temps plein puisqu’ils ont une période de carence afin d’éviter leur cdisation) et qui vient en partie remplacer les départs (retraite, inaptitude…).
Pour avoir travaillé en collectivités territoriales, je peux vous dire que la situation de l’emploi est bien moins idyllique que vous le décrivez. Tout d’abord, le concours est totalement inadapté puisque l’expérience de terrain, indispensable dans notre métier, est absente de la sélection ; il en découle que très peu d’archéologues l’ont ! La plupart des archéologues sont donc en contrat précaire de quelques mois à quelques années (grâce au statut spécifique des collectivités). Seuls les RO ont des postes pérennes, les RS et techniciens n’ont généralement que des contrats d’un an au maximum renouvelable trois fois. Au bout de ces trois ans, s’il n’y a pas de volonté politique de pérennisation, c’est la porte (j’ai des exemples parmi des collègues) !
Enfin, votre parallèle avec la situation dans les pays anglo-saxons me semble assez peu approprié pour plusieurs raisons. La première est qu’il n’a jamais été question en France de supprimer l’inrap contrairement au système anglo-saxon où il n’y a plus que des entreprises privés. De plus, dans les pays anglo-saxons, le système de contrôle étatique est très limité voir délégué à une association comme en Angleterre (English heritage) qui manque de moyen.
Bonjour M Demoule, Je suis employé par une entreprise privée d’archéologie, ce n’est pas forcément un choix, J’ai postulé à l’INRAP mais on m’a dit que j’avais trop d’expérience pour être technicien et pas assez pour être responsable de secteur, allez comprendre !!! (Bon, il faut dire que je n’avais pas de piston, il faut peut être plus chercher dans cette direction !!) Bref, toujours est-il que par les temps de crise que nous connaissons, signer un CDI n’est pas chose courante (et encore moins à l’INRAP, vous en conviendrez!!!), j’ai donc pris le parti de travailler dans cette entreprise, qui a ma grande surprise ne ressemble pas du tout à ce que vous décrivez (personnel incompétent, manque de moyen, absence de volet recherche……), mais c’est un autre sujet !!! Ma question concerne plutôt le personnel de ces entreprises et de leur avenir dans le cas où votre demande de revenir à un monopole d’état arriverait. Il s’agit pour la majeur partie (voir la totalité) de personnes ayant étudiées l’archéologie à l’université (certains vous ont peut être eu comme professeur !!), il s’agit de personnes tout à fait compétentes (malgré ce que peuvent dire certains). En ces périodes de réductions du nombre de fonctionnaires (RGGPP et compagnie), je doute sérieusement que l’état acceptera d’intégrer l’ensemble du personnel (puisqu’il faut aussi compter des logisticiens, des personnels administratifs….) des entreprises privés contraintes de fermer par ce retournement de situation !!! Dans le cas d’un retour au monopole, il est certain que l’était préfèrera diminuer le volume des prescriptions plutôt que d’augmenter les effectifs de l’INRAP ou des collectivités territoriales !!! J’aurais voulu donc savoir ce que vous comptiez faire de ces centaines de personnes qui n’auront plus qu’à aller pointer à pôle emploi ???
Je remercie Pierre Dumas-Lattaque, employé de la société Eveha après l’avoir été de Archéoloire. J’ignore si son message est spontané, ou bien suggéré par son employeur. Il rejoint en tout cas une précédente réaction sur le même thème, que je n’ai pas validée car elle était anonyme (signée « Akh » et « Althalionn ») et que son auteur, relancé sur son mail anonyme, n’a pas jugé bon de se dévoiler. J’estime en effet, pour la clarté indispensable des débats en cours, que chacun/e doit assumer ce qu’il pense.
Pour revenir au fond du message, je reprendrai plus en détail dans un prochain texte ce que nous (les signataires de notre Appel et ceux qui le soutiennent) pensons quant aux entreprises privées. Le problème n’est pas celui de la qualité du travail sur telle ou telle fouille car, comme je l’ai déjà écrit, on pourra toujours trouver ponctuellement une mauvaise fouille menée par des collègues de l’Inrap, de l’université ou du CNRS. Et il y a dans les entreprises privées d’autant plus de personnels qualifiés, que la croissance de ces entreprises a été artificiellement provoquée par le plafonnement des effectifs de l’Inrap, si bien qu’elles représentent maintenant des débouchés importants pour les étudiants arrivant sur le marché du travail –c’est là l’un des principaux arguments des défenseurs de l’archéologie commerciale.
Le premier problème est moral : si vous avez lu le rapport publié par le SGPA, non démenti et appuyé sur des documents publics (http://www.cgt-culture.fr/IMG/pdf/CGT_Secteur_prive_archeologie_preventive.pdf), vous avez pu voir que les responsables des entreprises privées, dont la vôtre, font de très confortables bénéfices, alors même que l’argent des aménageurs publics et privés est destiné en principe à la seule sauvegarde du patrimoine archéologique. Le second problème, en conséquence, est que la logique première d’une entreprise privée est toute autre que celle d’un institut de recherche : elle est d’abord de faire des bénéfices. Dans le pire des cas, cela conduit à arrêter la fouille dès que la marge bénéficiaire prévue risquerait d’être entamée (il en est des exemples concrets, et les services régionaux de l’archéologie n’ont pas les moyens d’un contrôle réel). Mais dans tous les cas, la montée en puissance des entreprises privées, en France comme ailleurs, a entrainé l’éclatement des méthodologies et de la documentation. Et si les premières années, ces entreprises, se sachant sous surveillance, ont veillé à un certain sérieux de leur travail de terrain, leur logique (ou plutôt celle de leurs patrons) reste celle de leurs bénéfices, et non celle de la qualité de la recherche scientifique produite en fin de compte. Tous les exemples étrangers le démontrent amplement.
Quant à l’argument du risque du chômage pour plusieurs centaines d’archéologues, leur nombre n’est dû, on l’a vu, qu’au plafonnement des effectifs de l’Inrap – contrairement, entre autre, au rapport de la Cour des Comptes (dont je rendrai compte plus en détail une autre fois), qui prétend que seule l’existence des sociétés commerciales a permis la réalisation de l’ensemble des prescriptions archéologiques. Ces prescriptions ont très peu changé en volume ces dernières années. Symétriquement, même sous les précédents gouvernements de droite, plusieurs centaines de contractuels de l’Inrap ont été « cédéisés ». Rien ne permet donc de croire à votre scénario pessimiste, si tant est que le gouvernement s’engage dans cette voie. On imagine mal par ailleurs les services régionaux de l’archéologie renoncer en silence au volume actuel de prescriptions, déjà minimal. Enfin il ne s’agirait pas d’un retour au monopole de l’Inrap, mais d’un pôle scientifique public, en approfondissant encore les coopérations existantes entre l’Inrap et les services archéologiques de collectivités, dont le développement, pourtant à contre-courant de l’externalisation généralisée de nombreux services et fonctions dans ces collectivités, est l’unique aspect positif de la loi de 2003.
Bonjour M Demoule,
J’ai bien lu que vous aviez publié ma contribution. Sachez tout d’abord qu’elle était tout à fait spontanée, je ne pense pas que mon employeur est besoin de moi pour se défendre !! Elle vient plutôt d’un raz le bol d’être montré du doigt simplement parce que pour pouvoir exercer notre métier nous avons dû intégrer des entreprises privées. Elle vient aussi des risques pour notre avenir professionnel dans le cas d’un retour au tout état (inrap ou collectivité), je ne peux pas imaginer que vous pensiez sincèrement que nous serions tous intégrés à l’INRAP ou dans une collectivité, vous savez tout comme moi que la période n’est pas à l’augmentation du nombre de fonctionnaire (et quand elle l’est, il s’agit d’une obligation légale parce que l’inrap a employé des personnes années après années en CDD).
Pour le reste, je ne suis pas forcément d’accord avec vous sur tous les points (notamment en ce qui concerne l’homogénéisation des méthodes, pour ma part, j’ai réalisé 3 chantiers avec l’inrap et on appliquait 3 types d’enregistrements différents mais qui étaient tous en adéquation avec la fouille !!!!) mais dans l’ensemble, je partage beaucoup de vos points de vue.
Cordialement
Pierre Dumas-Lattaque
Monopole d’état ? ouh on sent arriver le méchant « état » qu’on avait pas vu depuis un moment ! Faut dire que ces dernières années il était plutôt gentil car il faisait tout pour se saborder lui même au plus grand bénéfice des grandes entreprises et de la finance. Je ferais simplement remarquer que cette terminologie (monopole) ne s’applique qu’au secteur marchand (vendre et acheter) et que, heureusement, on peut essayer de penser autrement quand on parle de recherche publique …
Pour répondre à Pierre, L’inrap vient de conclure un accord pour l’embauche de 160 agents, les entreprises privées représenteraient 500 agents, leur possible intégration ne me parait pas si irréaliste que cela compte tenu des enjeux. Par ailleurs les revendications, en particulier syndicales, ne remettent en cause que l’existence du dispositif concurrentiel dans l’attribution d’opérations d’archéologie préventive, les entreprises ont de la marge pour se maintenir en développant des activités, ce qu’elles font déjà dans de multiples domaines demandant des équipements rares et un savoir faire très spécifique (analyses, restauration de mobilier, muséographie, topographie, interventions en milieux extrêmes, etc etc … …) qui est d’ailleurs sollicité de façon soutenue par la recherche publique, y compris par l’Inrap …
… et oui j’oubliais aussi les capacités d’embauche des collectivités territoriales, qui de plus présentent deux avantages 1) d’avoir une activité en archéologie diversifiée (musées, CCE) susceptible de fournir des solutions au problème déjà pointé de la pénibilité au travail durement ressentie par les archéologues d’un certain age, et 2) collaborations possibles avec l’Inrap, ceci permettant à l’Inrap de ne pas prendre le risque d’embauches massives pouvant leur rester sur les bras en cas de baisse d’activité
Sur des bases nouvelles on pourrait ensuite s’attaquer à une autre anomalie, longtemps restée en arrière plan et peu audible, mais qui commence à arriver dans les débats, qui est celle du manque d’interactions entre la recherche académique/enseignement et l’archéologie préventive (il est d’ailleurs révélateur de constater que les pays où ce problème est le plus criant sont justement ceux qui ont opté pour une archéologie préventive totalement commerciale ou presque, USA et Royaume Uni)
Enfin, après avoir évacué les règles inadaptées de la concurrence, les SRA pourraient enfin collaborer au moment des prescriptions avec les partenaires (pour leur capacité d’expertise par exemple), sans être suspectés de favoriser untel ou untel dans l’attribution d’un marché concurrentiel