À quoi sert l’archéologie ? L’archéologie fascine, elle fait partie des métiers que voudraient faire les enfants, vœu que très peu réaliseront. Les enfants en effet s’interrogent sur l’origine, et tous les adultes à leur tour. Car, au fond, la question est bien celle de l’origine : du monde, des humains, de chaque société. Et pour élucider ces mystères, depuis le XIXe siècle, l’archéologie s’est progressivement substituée aux religions et assure une mission essentielle : elle construit le passé, le territoire et la légitimité historique de chaque nation.
C’est ce que montre cet essai, où l’archéologue engagé Jean-Paul Demoule rend compte de la double fonction de cette discipline, scientifique d’une part, idéologique de l’autre, avec des frontières qui parfois se brouillent. En témoignent les débats français autour de l’enseignement de l’histoire et du » roman national « , puis de l' » identité nationale « , marqués depuis les années 2000 par l’irruption des » Gaulois « , des » Barbares » et des manipulations de l’histoire dans les discours politiques et médiatiques.
En témoignent également, dans de nombreux pays, les manières dont agit l’archéologie, tant dans ses interprétations historiques que dans sa mise en œuvre sur le terrain, avec sa contamination croissante par les idéologies ultralibérales de la concurrence généralisée. On verra ainsi, dans le cas spécifique de la France, comment la convergence des intérêts économiques à court terme, de l’idéologie ultralibérale mais aussi des incuries administratives met en danger le sauvetage d’un patrimoine archéologique gravement menacé.