On sait que la manifestation et les grèves du 19 novembre dernier ont été un réel succès, reconnu par le ministère de la Culture, lequel a engagé une concertation avec les organisations syndicales représentatives de ce mouvement. Cette concertation a été confirmée par une lettre de Laurence Engel, la directrice de cabinet ( ici ), dont on connaît par ailleurs les liens avec l’Elysée. La lettre indique aussi que la ministre fera connaître ses orientations vers la mi-janvier 2014, dans la lignée du Livre blanc et de son courrier précédent ( ici ). Les discussions se poursuivent donc, autour de la notion de pôle public de l’archéologie préventive, notion qui demande effectivement à être précisée et nourrie.
Les inquiétudes des services de collectivités
La reprise de cette concertation provoque évidemment des espoirs, mais aussi des inquiétudes, fondées ou infondées. Parmi ces dernières figurent les réactions d’un certain nombre de collègues des services archéologiques territoriaux. Ceux-ci ont suscité une pétition sur internet sous le titre « Lutte pour l’indépendance des collectivités territoriales » (http://www.petitionpublique.fr/?pi=Archeo) qui a abondamment circulé et qui s’inquiète d’un changement sémantique dans la formulation d’un article du projet de loi sur le Patrimoine.
En effet, l’article L523.1 stipulait : « L’établissement public et les services de collectivités territoriales disposant de l’agrément mentionné à l’article L.522-8 assurent l’exploitation scientifique des opérations d’archéologie préventive et la diffusion de leurs résultats. Ils concourent à l’enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l’archéologie. Pour l’exécution de ses missions, l’établissement public et les services de collectivités territoriales disposant de l’agrément mentionné à l’article L. 522-8 peuvent s’associer, par voie de convention, à d’autres personnes morales dotés de services de recherche archéologique. »
Le nouvel article L.522-9 « affirme la participation des archéologues des collectivités territoriales à l’exploitation scientifique des résultats de la recherche archéologique aux côtés de l’INRAP. Il vise à favoriser une plus grande collaboration entre les acteurs publics de la recherche que l’Inrap a vocation à fédérer comme le précise la disposition introduite à l’article L.523-1. »
Selon le texte de la pétition, cet article « dénote sans aucun doute une volonté de la part du Ministère de la Culture de donner à l’Inrap un rôle décisionnaire sur les projets de recherches scientifiques et d’instaurer une relation de subordination. D’autre part, l’association de ces deux articles (L522-9 et L523-1) introduit un flou par l’usage des termes « rôle fédérateur » et « aux côtés de ». […] En vertu du principe d’égalité, cet institut ne peut cumuler le rôle d’opérateur et d’organisme régulateur de l’activité archéologique et de la recherche scientifique ».
En même temps que cette pétition, une lettre a été adressée à la ministre de la Culture co-signée par le président de l’Association nationale des archéologues de collectivités territoriales (Anact), le président de l’Association des maires de France et le président de l’association des départements de France ( ici ). La lettre reprend le même argumentaire et voit dans le projet de loi « une mise sous tutelle » des services de collectivités par l’Inrap.
Un observateur extérieur objectif conviendrait aisément que le litige sémantique portant sur « rôle fédérateur » et sur « aux côtés de » devrait pouvoir s’arranger. Pour en rester à l’explication de texte, la langue française courante fait certainement une grande différence entre « rôle fédérateur » et « aux côtés de » d’une part, et « rôle décisionnaire », « relation de subordination » et « mise sous tutelle » qu’y voient les auteurs de la pétition et de la lettre.
Une réponse à la pétition des archéologues de collectivités
Ayant été l’un des destinataires de cette pétition, je me suis permis de répondre ainsi à la collègue du service archéologique du Douaisis qui me l’avait adressée :
« Je vous remercie de m’avoir adressé pour signature votre pétition intitulée « Lutte pour l’indépendance des collectivités et le retrait de l’article L.522-9 ».
Je crains néanmoins que votre démarche ne repose sur un malentendu. L’Inrap n’est nullement un « opérateur » (pour reprendre ce terme usuel de la langue de bois libérale) comme les autres, mais un institut de recherche national dépendant du ministère de la recherche comme de celui de la culture. Il n’y a rien d’offensant à ce que l’Inrap joue en conséquence un rôle fédérateur pour la recherche archéologique, qui risque sinon d’être parcellarisée et éclatée. Il n’y a rien qui, dans ce texte, empêche chaque service archéologique territorial de définir en même temps ses propres objectifs de recherche.
En revanche, je crois que vous sous-estimez la fragilité politique d’une partie de ces services, dont certains connaissent actuellement des difficultés financières. Une collaboration instituée avec l’Inrap permet au contraire, dans le cadre du pôle public appelé par les vœux de la ministre de la culture, de les conforter. Il n’y a hélas rien d’irréaliste à supposer que, à la faveur d’un changement de majorité politique, telle ou telle collectivité décide de dissoudre son service archéologique et de passer désormais par des entreprises privées.
Puisque cette pétition semble partie du service archéologique du Douaisis, vous n’êtes pas sans savoir que ce service a été le premier à conventionner avec l’Inrap, dans le cadre de la loi de 2001. De même, ceux qui déplorent que l’archéologie bénévole perde sa place devraient se souvenir que c’est précisément la mise en concurrence commerciale qui interdit le bénévolat, coupable de « concurrence déloyale », alors que le bénévolat est parfaitement admis dans le service public.
Certains responsables de services archéologiques territoriaux se voient en chefs d’entreprise sur un marché concurrentiel. C’est une grave erreur d’appréciation. Si, à terme, les entreprises privées continuaient à croître avec tous les dysfonctionnements que cela suppose, c’est l’ensemble de la recherche archéologique française qui serait menacée.
Lorsque l’on voit que cette pétition est signée par des directeurs et actionnaires d’entreprises privées, qui réalisent actuellement de confortables bénéfices financiers personnels, on est en droit de se demander quelle « liberté » de la recherche ils défendent. Ne serait-ce pas plutôt la liberté du commerce et des bénéfices ? Ou, pour reprendre la formule de Rosa Luxembourg, la liberté « du renard libre dans le poulailler libre » ? » .
La position de l’intersyndicale
Par ailleurs, sur ce même sujet, l’intersyndicale des archéologues (SGPA CGT-Culture / SUD Culture Solidaires / Snac-FSU / CNT-CCS) a publié le 10 décembre dernier, à propos de ce débat, la mise au point suivante :
« Les différents textes qui circulent sur la reconnaissance du rôle des services archéologiques de collectivité en matière d’exploitation scientifique des opérations d’archéologie et de diffusion de leurs résultats nécessitent quelques précisions.
L’introduction dans le projet de loi « relative au patrimoine culturel » (Titre V, article 12 4) d’une modification de l’article L-523-1 qui conférerait à l’Inrap un rôle « fédérateur » dans la recherche en archéologie préventive est intervenue antérieurement à la mobilisation du 19 novembre 2013, dans le cadre de la préparation, par l’administration, d’une interministérielle sur la loi Patrimoines (ce que nous a confirmé aujourd’hui la Direction générale des Patrimoines). Ce nouvel article du projet de loi n’a pas été évoqué par le Cabinet du ministère de la Culture avec la délégation intersyndicale reçue à l’issue de la manifestation. Par contre, le projet ministériel a été « opportunément » diffusé au lendemain de la manifestation.
Cette modification du projet ne répond pas à une revendication de l’intersyndicale, qui a toujours demandé à ce que la loi réaffirme le rôle de l’Etat et de ses services déconcentrés, en matière d’élaboration de la politique nationale de recherche et de coordination.
Dans les suites de la mobilisation du 19 novembre, des discussions sur le volet « archéologie » du projet de loi Patrimoines se sont ouvertes hier, 9 décembre, entre l’intersyndicale et les services du ministère de la Culture. Les revendications portées par les organisations syndicales CGT-SUD-FSU-CNT n’ont pas changé : mettre fin à la concurrence commerciale et construire un pôle public de la recherche archéologique préventive en France (SRA, Collectivités, Inrap, CNRS, Université).
Les politiques d’austérité budgétaire au sein des services de l’Etat et des collectivités territoriales, associées à la montée de la concurrence commerciale, touchent la totalité des agents du service public, hier au sein des SRA, aujourd’hui dans les collectivités (licenciements ou non reconductions de contrats). Pour les organisations syndicales, la mise en place d’un pôle public de l’archéologie préventive doit garantir la stabilité des emplois et la titularisation des personnels (Inrap et collectivités), faciliter la mobilité entre services et permettre aux agents du service public de travailler ensemble, sans opposer les institutions ».
L’Inrap n’est-il qu’un « opérateur » ?
Le problème de fond est bien le rôle que l’on souhaite voir jouer à l’Inrap. Le confiner à un rôle d’ « opérateur » parmi d’autres, tel était le sens de la loi de 2003. C’est bien ainsi que s’est effectué et que continue de s’effectuer le démantèlement des services publics nationaux dans l’Union européenne. La langue de bois libérale parle même d’« opérateur historique » pour un service public en cours de destruction, dans une touchante référence à nos disciplines historiques. Si un institut national a été créé et maintenu, c’est bien parce qu’il a la vocation et la faculté de mener des actions au niveau national, notamment dans le domaine de la documentation et de la diffusion, mais aussi des méthodes et des problématiques scientifiques. Cela n’empêche nullement que chaque service de collectivité définisse ses propres thèmes de recherche sur son propre territoire. Les deux sont complémentaires et non pas antagonistes ou subordonnés l’un à l’autre.
Si donc l’on fait abstraction des procès d’intention et des petites polémiques entre institutions dont la France a le secret (et pour le peu de temps qu’elle ait fonctionné, la loi de 2001 a effectivement ouvert des collaborations, et non des subordinations, entre les services de collectivités et l’Inrap), il ne paraît pas utopique de penser que des formulations satisfaisantes pour toutes les parties puissent être trouvées pour inscrire le principe de ces collaborations permanentes dans la loi et donner une réalité à un « pôle public de l’archéologie ».
En revanche, ceux qui souhaiteraient en rester à l’intégralité de la loi de 2003 telle qu’elle est formulée, cette loi « du renard libre dans le poulailler libre », doivent le dire clairement. Ils doivent assumer que seul l’intervenant archéologique le moins cher est qualifié pour faire de la recherche archéologique. Et comme certaines collectivités commencent à le voir, surtout dans un « marché » plus tendu en raison des difficultés économiques du moment, les entreprises privées peuvent très bien venir les concurrencer avec succès sur leur propre territoire. On doit inlassablement se souvenir que la loi de 2003 a été une loi purement idéologique, voulue par la majorité d’alors, et qu’elle n’était même pas une demande des aménageurs économiques. Que l’on veuille remettre la recherche archéologique publique au centre du dispositif ne semble pas déraisonnable.
La référence à la réglementation européenne que brandissent les actionnaires des entreprises d’archéologie privée, mais que l’on entend parfois aussi du côté de la direction des patrimoines du ministère de la Culture, n’est pas à prendre au pied de la lettre. On l’a vu lorsque la Commission européenne a validé le dispositif de 2001. On voit aussi que les « travailleurs étrangers détachés » qu’au moins une entreprise privée d’archéologie a utilisés, ne sont pas forcément conformes à ladite réglementation européenne. Plus globalement, que chaque pays organise selon ses vœux certains pans de ses services publics, suivant par exemple la formule juridique « in-house », n’est pas exclu par l’Union européenne, qui n’est pas partout et tout le temps aussi ultralibérale qu’elle veut parfois le faire croire.
Instrumentalisations par l’archéologie commerciale
On a pu voir que les actionnaires des entreprises privées se sont aussitôt empressés de signer la pétition des collectivités territoriales. Dans le même temps, deux lettres étaient adressées à la ministre de la Culture par l’actionnaire principal d’Archeodunum, président du « syndicat national des professionnels de l’archéologie » (une fois encore, on peut s’interroger sur ces termes de « syndicat » et de « professionnels »), ainsi que par le directeur général de la société Hadès, pour défendre le principe des sociétés privées d’archéologie. Cette démarche a été complétée par une autre pétition, sensée émaner cette fois des salariés des principales sociétés privées (http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2013N45537).
Sur la forme même de la pétition, il n’est guère difficile de réunir sur un sujet quelconque plusieurs centaines de noms, mais dont on aimerait en ce cas connaître les fonctions exactes en archéologie, même si tout citoyen et citoyenne a le droit de pétitionner sur ce que bon lui semble. Il est par ailleurs difficile à un salarié de résister à l’amicale pression de son employeur sur un sujet pareil. C’est pourquoi les deux « Appels des archéologues » (http://www.jeanpauldemoule.com/archeologie-2013-le-point-sur-la-reforme/) n’avaient été soumis, d’une manière certes un peu élitiste, qu’à une liste fermée de collègues, que leurs responsabilités présentes ou passées rendaient particulièrement légitimes pour s’exprimer sur notre discipline.
Mais le vrai débat est évidemment sur le fond : l’existence d’entreprises privées d’archéologie préventive est-elle un bien ou un mal pour la recherche scientifique ?
Aux arguments des défenseurs de l’archéologie commerciale, on peut aisément répondre point par point :
1) N’existe-t-il pas des entreprises privées dans tout, y compris dans la recherche scientifique ? Oui, mais il s’agit de recherche appliquée, dont les résultats sont vérifiables a posteriori. Or les services archéologiques du ministère de la Culture sont en sous-effectifs patents et ne peuvent effectuer les contrôles suffisants ; de fait, la plupart des cas les plus patents de manquements de la part de firmes privées n’ont pas été constatés par ces services.
2) Ne sont-ce pas les entreprises privées qui recrutent actuellement le plus ? Ce n’est pas une surprise, puisque la loi de 2003 a été précisément faite pour cela, avec plusieurs mesures associées : plafonnement des effectifs de l’Inrap ; encouragements des entreprises privées par le ministère de la Culture et les préfets, parfois directement auprès des aménageurs (au moins jusqu’en 2012) ; dumping sur les « prix » de la part de ces entreprises, etc. Ce serait un raisonnement à très courte vue, de la part d’un universitaire responsable, de se satisfaire de ce type d’emploi pour ses anciens étudiants. Et l’argument lié, que seule la création d’entreprises commerciales d’archéologie a permis de répondre à la demande de fouilles préventives est tout aussi fallacieux : c’est en plafonnant les effectifs de l’Inrap qu’ont a permis à ces entreprises d’exister.
3) Une partie des employés de ces structures n’est-elle pas faite de diplômés des universités, qui ont à cœur de faire au mieux leur travail ? Mais dans la réalité, leurs employeurs sont attentifs à leur marge, si bien que la capacité de résistance de ceux qui veulent continuer bien faire est limitée.
4) L’Inrap ne marche-t-il pas si bien que ça ? Certes, la construction de l’institut (je suis bien placé pour en témoigner) s’est faite en dépit du ministère des Finances (qui n’a jamais mis sur pied un système financier digne de ce nom), du pouvoir politique de 2002-2012, et de l’administration du ministère de la Culture en interminable deuil de l’Afan, et cette construction n’est pas achevée, grevée par des pesanteurs du passé ; mais l’essentiel de son encadrement est assuré par des scientifiques et sous le contrôle d’un conseil scientifique externe et indépendant, et il n’a pas pour but de faire des bénéfices, mais de produire de la connaissance scientifique. En outre seul un institut de recherche national a les moyens de mettre à la disposition de tous un certain nombre d’outils homogènes (voir plus haut).
Neuf raisons pour refuser l’archéologie commerciale
A cela, on peut en effet ajouter plusieurs autres points :
5) Il faut évidemment établir une forte différence entre les actionnaires de ces entreprises, qui font de confortables bénéfices, et leurs employés, dont la plupart sont là parce qu’ils avaient fait des études universitaires pour être archéologues et qu’ils n’ont pas trouvé de postes dans des structures publiques. Ou pour le dire autrement, certains employés des entreprises commerciales peuvent avoir un profil de chercheur, mais ces entreprises ne sont pas des structures de recherche.
6) Il n’y a pas à opposer les employés des structures privées à celles des structures publiques, d’autant que les premiers ont commencé, malgré les pressions et les « syndicats maison », à se syndiquer, comme l’indiquent les deux textes ci-joints, émanant des sections Sud-Solidaires de l’entreprise Hadès ( ici ) et de l’entreprise Evéha ( ici ).
7) Il n’est pas moralement scandaleux que des entreprises fassent des bénéfices. Ce qui l’est, dans le cas présent, c’est lorsque leurs actionnaires font des bénéfices personnels importants, et qu’il s’agit en l’occurrence de l’argent d’aménageurs publics ou privés destiné à préserver le patrimoine archéologique national. Rappelons que le rapport de la CGT-Culture (http://www.cgt-culture.fr/IMG/pdf/CGT_Secteur_prive_archeologie_preventive.pdf) n’a jamais été démenti par personne, la seule réaction connue étant, dans la récente lettre du directeur de la société Hadès à la ministre de la Culture, un « refus d’entrer dans la polémique de ces propos caricaturaux ».
8) Les prix plus bas de certaines sociétés privées (quand ils ne sont pas renégociés à la hausse une fois le marché emporté, comme cela est arrivé) sont dus à des contraintes moindres (l’Inrap fournit les équipements à des CDD, qui les utilisent ensuite avec d’autres employeurs, sans compter les coûts de formation, etc), et notamment à un dumping social qui a été constaté, y compris avec l’emploi de travailleurs étrangers « détachés », sur lequel les autorités compétentes semblent manifester une certaine passivité. Alors que le Livre Blanc insistait (p. 55) « sur la nécessité de s’assurer du contrôle et du suivi des opérateurs quant au respect des normes fiscales, économiques et sociales ainsi qu’en matière de contraintes environnementales, d’hygiène et de sécurité », nécessité récemment rappelée par la ministre, le président du « syndicat national des professionnels de l’archéologie » s’insurge contre ce rappel dans son courrier à la ministre. Quant à la Cour des Comptes, si attachée à la concurrence « libre et non faussée », elle avoue pourtant avec une touchante candeur, à propos des pratiques anti-concurrentielles qui lui ont été signalées par l’Inrap : « ces éléments n’ont pas été instruits par la Cour ».
9) La logique même du système concurrentiel « libre et non faussé » appliqué idéologiquement au cas de l’archéologie préventive est antinomique de la logique de la recherche scientifique : d’une part, dans le système actuel, c’est l’aménageur qui choisit l’intervenant archéologique (« l’opérateur »), ce pour quoi il n’a aucune compétence ; d’autre part, ce n’est donc pas la chercheuse ou le chercheur le plus compétent sur la région et la période du site à fouiller qui sera choisi, mais l’employé de la structure la moins chère. Cela ne peut raisonnablement perdurer.
Dans ces conditions, s’il n’était mis aucun frein ni aucune régulation au système actuel, qui voit la montée en puissance régulière des entreprises commerciales les moins « chères », le scénario – catastrophe (ou le rêve ultralibéral, c’est selon) serait inévitable : la disparition de l’Inrap, devenu trop lourd et trop cher et n’emportant plus aucun « marché », mais aussi la disparition des services archéologiques de collectivités, qui seront toujours plus « chers » que les entreprises les moins « chères ». Un processus que le retour, un jour ou l’autre, d’une majorité conservatrice et ultralibérale (au niveau national, mais aussi des collectivités territoriales) ne fera qu’accélérer. Et que d’autres pays subissent actuellement.
Il sera alors trop tard pour le regretter.
26 Commentaire
Participez à la discussion et dites-nous votre opinion.
Bonsoir,
je souhaiterai réagir à une de vos affirmations qui apparaît dans votre dernière réponse à Matthieu Poux.
En effet, quand vous dites « la haute administration du ministère de la Culture, après avoir longtemps traîné des pieds, s’est enfin décidée à examiner, AVEC L’ENSEMBLE DES SYNDICATS, y compris la sous-direction de l’archéologie, quelles étaient les projections, économiques notamment, qui pouvaient être faites actuellement d’après les évolutions recentes », je ne peux rester sans rien dire.
Vous ne pouvez affirmer que l’ensemble des syndicats participe aux débats puisque nous n’y sommes pas représentés. Je vous évite la peine de me présenter à nouveau : je suis déléguée syndicale au sein d’ArcheoLoire, affiliée à un syndicat national représentatif qui ne fait pas partie des « élus » présents lors des discussions actuellement menées au ministère. Merci donc de ne pas oublier les fameux syndiqués que vous avez mentionnés dans vos précédents commentaires puisque comme vous l’annonciez, ce sont aussi nos luttes qui feront l’archéologie de demain. Mais pour cela, encore faut-il qu’on soit entendu, ce qui est malheureusement encore loin d’être le cas…
Je souhaite réagir sur une question sociale soulevée par deux des commentateurs
A deux reprises la questiondu devenir des éventuels chômeurs est posée :
Matthieu Poux
… le retour au monopole public aura les mêmes conséquences à court terme : la mise au chômage immédiate de centaines de salariés …
Bernard Pousthomis :
Que fait-on des quelques 600 salariés ? Vous pensez sérieusement qu’ils puissent être reclassés en bloc à l’INRAP et les entreprises indemnisées par l’État ?
(Ces remarques m’ont également rappelé une discussion que j’avais eu avec une collègue travaillant dans une entreprise privée et qui m’avait fait part de la reconnaissance qu’elle avait vis à vis de cette entreprise sans laquelle elle ne se voyait qu’en situation de chômage)
De qui se moque-t-on ?
A ce que je sache la suppression des entreprises privées du dispositif n’entrainera pas l’éradication de la source des emplois qui réside dans l’acte de la prescription de fouille par les SRA. Certes ces réaffectations risquent d’être compliquées à gérer, mais pas impossible (il conviendrait d’ailleurs d’y réfléchir). Il y a même fort à parier que certaines entreprises privées en profiteront pour engager une reconversion vers des activités de service qui pourraient même s’adresser au service public nouvellement recomposé, comme cela est déjà le cas dans bien des domaines (restauration de mobilier, analyses, informatique, topographie, 3D, archéologie en millieu difficile, recherches historiques, …), ceci leur permettant de conserver une partie de leur personnel. Ce cap difficile pouvant être accompagné par l’indemnisation par l’Etat liée à la transition du dispositif.
On change d’ambiance non ? Plus de concurrence public/privé, mais un ensemble d’acteurs collaborant à des objectifs communs.
Je m’attendais bien entendu à une réaction peu amène de la part de Jean-Paul Demoule, qui n’a jamais fait mystère de ses positions. Seul son caractère outrancier me surprend quelque peu.
Sans vouloir ajouter à la polémique, j’invite ses lecteurs à bien relire ma tribune, qui vise précisément à rappeler que la communauté des archéologues ne partage pas un point de vue unanime sur la question. À la soixantaine de signatures dont il se prévaut, on peut opposer celle de nos collègues (université, CNRS, ministère de la culture) qui ont signé la pétition en faveur des salariés du privé. Seul le point de vue des premiers avait, jusqu’à présent, été relayé par les médias (Le Monde, L’Humanité, Libération), alors que le sujet fait l’objet de débats animés au sein même de la profession. La confrontation des points de vue est l’essence même du débat démocratique, à condition qu’elle s’assortisse d’un minimum d’honnêteté intellectuelle. Le procédé qui consiste à diaboliser quiconque ne partage pas ses opinions affaiblit plus qu’elle ne sert l’analyse de J.-P. Demoule, que je respecte et rejoins par ailleurs sur plusieurs points.
Il faut, en vérité, une solide dose de mauvaise foi pour voir dans ce texte un vibrant hymne à la « concurrence libre et non faussée ». L’expression est utilisée a contrario pour souligner le risque d’ingérence des instances européennes et fait écho à la « logique d’appel d’offre » dénoncée sans détours au début de l’article. Cette idéologie néolibérale qui sape les fondement du service public, les universitaires frappés d’autonomie depuis 2008 sont très bien placés pour la voir à l’œuvre au quotidien et l’affrontent à chaque fois que nécessaire. Ils ont aussi appris à se méfier des gesticulations et des postures, annonciatrices de défaites en rase campagne dont les étudiants sont souvent les seuls à payer la facture. A ma connaissance, les plus engagés des syndicats n’ont jamais manifesté pour exiger la fermeture des nombreuses écoles et universités privées qui prospèrent avec l’aide de l’état.
Qu’il soit réservé à l’INRAP ou élargi aux services de collectivité placés sous sa houlette, le retour au monopole public aura les mêmes conséquences à court terme : la mise au chômage immédiate de centaines de salariés, qu’il est évidemment difficile d’assumer au nom d’une idéologie dite de gauche. Certaines dérives engendrées par la mise en concurrence sont indéniables, mais il est irréaliste et bien peu moral de chercher à les résoudre en amputant la profession d’un cinquième de ses membres. À l’inverse, la nécessité de renforcer les effectifs et les prérogatives de l’état dans ses missions de contrôle est bien un point qui fait consensus. Il est l’un des principaux acquis de Livre Blanc cosigné par J.-P. Demoule, dont les syndicats n’acceptent pas les conclusions.
Le respect de TOUS les acteurs de l’archéologie préventive et de leur production scientifique, en dépit des problèmes humains et financiers engendrés par la mise en concurrence, est une position que j’ai toujours assumée auprès de Jean-Paul Demoule, Nicole Pot ou Jean-Pierre Jacob. Je l’ai réitérée dès mon entrée au conseil scientifique, à chaque fois que le sujet a été abordé par les syndicats et l’actuelle direction. L’accusation de conflit d’intérêt prête un peu à sourire, s’agissant d’une instance de conseil indépendante, dont la principale tâche consiste à avaliser des demandes de promotion et de congé en interne. Les agents de l’INRAP dont j’ai examiné les dossiers n’ont pas eu à se plaindre de mes avis puisqu’ils ont toujours été positifs, sans exception.
Sur la forme, chacun appréciera la démarche « éthique » consistant à dénoncer les notoires relations de concubinage qui me lient à «l’employée» d’une importante entreprise privée d’archéologie. Audrey Pranyies, qui est aussi la mère de ma fille, cosigne nos rapports de Corent depuis de nombreuses années et y brille moins par ses talents de ménagère qu’en qualité de responsable d’opération diplômée, agrée par les services de l’État. La précision ne m’a pas paru ni véritablement digne de figurer dans les colonnes d’un grand quotidien comme Le Monde, ni véritablement pertinente au sein d’une tribune qui valorise tout autant l’excellent travail accompli par l’INRAP depuis dix ans.
Jean-Paul Demoule nous a habitué à davantage de classe, sinon de modération. Pour faire bonne mesure, je tiens à la disposition de ceux que ce genre d’information intéresse la liste de toutes les archéologues qui ont pu infléchir mes positions en faveur du secteur public. De ce point de vue, ce procès en duplicité a de quoi faire trembler pas mal de collègues qui entretiennent ou ont entretenu les mêmes relations coupables avec l’un ou l’autre camp ; tout comme celle des pétitionnaires qui font publiquement mine de défendre le service public, alors qu’ils tiennent un tout autre discours en privé.
Ce type d’argument en dessous de la ceinture en dit long sur le climat délétère qui s’est développé en l’espace de quelques mois au sein de notre discipline, dont elle ne peut sortir que perdante. Chacun devra effectivement en assumer un jour les conséquences, à commencer par ceux qui ont décidé de rallumer ce brasier.
Je répondrai sur les principaux points :
1) Un brasier rallumé ? Le brasier a couvé pendant dix ans, les dix ans pendant lesquels les précédents gouvernements ont créé de toutes pièces un secteur privé de l’archéologie préventive, l’ont souvent outrageusement favorisé, ont mis en danger l’existence même d’une recherche archéologique préventive publique, tandis que les instances de contrôle, faute de moyens ou pour d’autres raisons, regardaient parfois ailleurs. Là où un contrôle réel s’est exercé, des dérives flagrantes ont pu êtres stoppées. L’opposition redevenue majorité, qui s’était opposée à la loi de 2003, avait promis de rouvrir le dossier ; la nouvelle ministre l’a fait. La commission du Livre Blanc a fait un certain nombre de propositions utiles. De par sa composition et les moyens qui lui ont été donnés, elle n’a pas pu aller au fond de certains dossiers, et notamment celui de la concurrence. La Cour des Comptes a en toute indépendance instruit à charge, plaidant pour la concurrence libre et non faussée, avouant elle-même n’avoir pas enquêté sur les distorsions de concurrence, et proférant sur la recherche scientifiques des énormités. Le rapport de la CGT-Culture a été le premier à révéler un certain nombre de points, comme les bénéfices personnels de certains actionnaires et le partage de concurrence sur le territoire ; l’absence de certains bilans financiers de la part d’entreprises pratiquant des tarifs particulièrement bas limite certaines conclusions. L’extension du dumping économique et social (et donc scientifique) avec la crise économique actuelle n’a fait qu’empirer la situation, tandis que, là encore, les instances de contrôle regardent ailleurs – alors que certaines entreprises emportent des marchés avec des tarifs inférieurs de moitié à tous leurs concurrents, publics ou privés. Cette réalité semble donc loin du tableau irénique que dresse Mathieu Poux dans sa tribune. La haute administration du ministère de la Culture, après avoir longtemps trainé des pieds, s’est enfin décidée à examiner, avec l’ensemble des syndicats, y compris de la Sous-direction de l’archéologie, quelles étaient les projections, économiques notamment, qui pouvaient être faites actuellement à partir des évolutions récentes. C’est ce qui aurait dû être fait depuis un an et demi, et c’est en cours.
2) Un climat délétère ? Le climat est devenu « délétère » à partir du moment où un certain nombre de dérives des entreprises commerciales ont commencé à être signalées. Tant que tout le monde regardait ailleurs, le climat était excellent.
3) Le respect de tous les acteurs ? Beaucoup d’enseignants, dont moi-même, ont d’anciens étudiants qui travaillent dans des entreprises commerciales d’archéologie préventive, et personne ne songerait évidemment à leur déconseiller d’accepter de tels emplois, ni à remettre en question la formation qu’ils leur ont donnée. Le problème n’est pas du tout là. Il est dans la logique antinomique de l’archéologie publique et de l’archéologie privée. Et la logique actuelle est que les entreprises qui pratiquent les tarifs les plus bas sont celles qui emportent les marchés, ce qui mènerait à terme à la disparition de tout le secteur public et d’une partie du secteur privé si l’on ne fait rien. Là est actuellement le seul danger réel et concret.
4) Un conflit d’intérêt ? Je n’ai pas été assez précis. Ce n’est pas l’appartenance de Mathieu Poux (que je respecte tout autant et dont je partage également certaines positions) au conseil scientifique de l’Inrap qui pose évidemment le moindre problème. C’est le fait qu’il s’exprime publiquement, dans un grand journal du soir, en tant qu’expert reconnu (professeur d’université et directeur d’UMR), avec pour principal propos de défendre l’archéologie privée – alors même que sa conjointe travaille pour une entreprise privée d’archéologie. Cela n’a rien d’une atteinte à la vie privée « au-dessous de la ceinture », mais constitue effectivement, comme dans toute situation identique, un conflit d’intérêt caractérisé.
Je m’attendais bien entendu à une réaction peu amène de la part de Jean-Paul Demoule, qui n’a jamais fait mystère de ses positions. Seul son caractère outrancier me surprend quelque peu.
Sans vouloir ajouter à la polémique, j’invite ses lecteurs à bien relire ma tribune, qui vise précisément à rappeler que la communauté des archéologues ne partage pas un point de vue unanime sur la question. À la soixantaine de signatures dont il se prévaut, on peut opposer celle de nos collègues (université, CNRS, ministère de la culture) qui ont signé la pétition en faveur des salariés du privé. Seul le point de vue des premiers avait, jusqu’à présent, été relayé par les médias (Le Monde, L’Humanité, Libération), alors que le sujet fait l’objet de débats animés au sein même de la profession. La confrontation des points de vue est l’essence même du débat démocratique, à condition qu’elle s’assortisse d’un minimum d’honnêteté intellectuelle. Le procédé qui consiste à diaboliser quiconque ne partage pas ses opinions affaiblit plus qu’elle ne sert l’analyse de J.-P. Demoule, que je respecte et rejoins par ailleurs sur plusieurs points.
Il faut, en vérité, une solide dose de mauvaise foi pour voir dans ce texte un vibrant hymne à la « concurrence libre et non faussée ». L’expression est utilisée a contrario pour souligner le risque d’ingérence des instances européennes et fait écho à la « logique d’appel d’offre » dénoncée sans détours au début de l’article. Cette idéologie néolibérale qui sape les fondement du service public, les universitaires frappés d’autonomie depuis 2008 sont très bien placés pour la voir à l’œuvre au quotidien et l’affrontent à chaque fois que nécessaire. Ils ont aussi appris à se méfier des gesticulations et des postures, annonciatrices de défaites en rase campagne dont les étudiants sont souvent les seuls à payer la facture. A ma connaissance, les plus engagés des syndicats n’ont jamais manifesté pour exiger la fermeture des nombreuses écoles et universités privées qui prospèrent avec l’aide de l’état.
Qu’il soit réservé à l’INRAP ou élargi aux services de collectivité placés sous sa houlette, le retour au monopole public aura les mêmes conséquences à court terme : la mise au chômage immédiate de centaines de salariés, qu’il est évidemment difficile d’assumer au nom d’une idéologie dite de gauche. Certaines dérives engendrées par la mise en concurrence sont indéniables, mais il est irréaliste et bien peu moral de chercher à les résoudre en amputant la profession d’un cinquième de ses membres. À l’inverse, la nécessité de renforcer les effectifs et les prérogatives de l’état dans ses missions de contrôle est bien un point qui fait consensus. Il est l’un des principaux acquis de Livre Blanc cosigné par J.-P. Demoule, dont les syndicats n’acceptent pas les conclusions.
Le respect de TOUS les acteurs de l’archéologie préventive et de leur production scientifique, en dépit des problèmes humains et financiers engendrés par la mise en concurrence, est une position que j’ai toujours assumée auprès de Jean-Paul Demoule, Nicole Pot ou Jean-Pierre Jacob. Je l’ai réitérée dès mon entrée au conseil scientifique, à chaque fois que le sujet a été abordé par les syndicats et l’actuelle direction. L’accusation de conflit d’intérêt prête un peu à sourire, s’agissant d’une instance de conseil indépendante, dont la principale tâche consiste à avaliser des demandes de promotion et de congé en interne. Les agents de l’INRAP dont j’ai examiné les dossiers n’ont pas eu à se plaindre de mes avis puisqu’ils ont toujours été positifs, sans exception.
Sur la forme, chacun appréciera la démarche « éthique » consistant à dénoncer les notoires relations de concubinage qui me lient à «l’employée» d’une importante entreprise privée d’archéologie. Audrey Pranyies, qui est aussi la mère de ma fille, cosigne nos rapports de Corent depuis de nombreuses années et y brille moins par ses talents de ménagère qu’en qualité de responsable d’opération diplômée, agrée par les services de l’État. La précision ne m’a pas paru ni véritablement digne de figurer dans les colonnes d’un grand quotidien comme Le Monde, ni véritablement pertinente au sein d’une tribune qui valorise tout autant l’excellent travail accompli par l’INRAP depuis dix ans.
Jean-Paul Demoule nous a habitué à davantage de classe, sinon de modération. Pour faire bonne mesure, je tiens à la disposition de ceux que ce genre d’information intéresse la liste de toutes les archéologues qui ont pu infléchir mes positions en faveur du secteur public. De ce point de vue, ce procès en duplicité a de quoi faire trembler pas mal de collègues qui entretiennent ou ont entretenu les mêmes relations coupables avec l’un ou l’autre camp ; tout comme celle des pétitionnaires qui font publiquement mine de défendre le service public, alors qu’ils tiennent un tout autre discours en privé.
Ce type d’argument en dessous de la ceinture en dit long sur le climat délétère qui s’est développé en l’espace de quelques mois au sein de notre discipline, dont elle ne peut sortir que perdante. Chacun devra effectivement en assumer un jour les conséquences, à commencer par ceux qui ont décidé de rallumer ce brasier.
Je répondrai sur les principaux points :
1) Un brasier rallumé ? Le brasier a couvé pendant dix ans, les dix ans pendant lesquels les précédents gouvernements ont créé de toutes pièces un secteur privé de l’archéologie préventive, l’ont souvent outrageusement favorisé, ont mis en danger l’existence même d’une recherche archéologique préventive publique, tandis que les instances de contrôle, faute de moyens ou pour d’autres raisons, regardaient parfois ailleurs. Là où un contrôle réel s’est exercé, des dérives flagrantes ont pu êtres stoppées. L’opposition redevenue majorité, qui s’était opposée à la loi de 2003, avait promis de rouvrir le dossier ; la nouvelle ministre l’a fait. La commission du Livre Blanc a fait un certain nombre de propositions utiles. De par sa composition et les moyens qui lui ont été donnés, elle n’a pas pu aller au fond de certains dossiers, et notamment celui de la concurrence. La Cour des Comptes a en toute indépendance instruit à charge, plaidant pour la concurrence libre et non faussée, avouant elle-même n’avoir pas enquêté sur les distorsions de concurrence, et proférant sur la recherche scientifiques des énormités. Le rapport de la CGT-Culture a été le premier à révéler un certain nombre de points, comme les bénéfices personnels de certains actionnaires et le partage de concurrence sur le territoire ; l’absence de certains bilans financiers de la part d’entreprises pratiquant des tarifs particulièrement bas limite certaines conclusions. L’extension du dumping économique et social (et donc scientifique) avec la crise économique actuelle n’a fait qu’empirer la situation, tandis que, là encore, les instances de contrôle regardent ailleurs – alors que certaines entreprises emportent des marchés avec des tarifs inférieurs de moitié à tous leurs concurrents, publics ou privés. Cette réalité semble donc loin du tableau irénique que dresse Mathieu Poux dans sa tribune. La haute administration du ministère de la Culture, après avoir longtemps trainé des pieds, s’est enfin décidée à examiner, avec l’ensemble des syndicats, y compris de la Sous-direction de l’archéologie, quelles étaient les projections, économiques notamment, qui pouvaient être faites actuellement à partir des évolutions récentes. C’est ce qui aurait dû être fait depuis un an et demi, et c’est en cours.
2) Un climat délétère ? Le climat est devenu « délétère » à partir du moment où un certain nombre de dérives des entreprises commerciales ont commencé à être signalées. Tant que tout le monde regardait ailleurs, le climat était excellent.
3) Le respect de tous les acteurs ? Beaucoup d’enseignants, dont moi-même, ont d’anciens étudiants qui travaillent dans des entreprises commerciales d’archéologie préventive, et personne ne songerait évidemment à leur déconseiller d’accepter de tels emplois, ni à remettre en question la formation qu’ils leur ont donnée. Le problème n’est pas du tout là. Il est dans la logique antinomique de l’archéologie publique et de l’archéologie privée. Et la logique actuelle est que les entreprises qui pratiquent les tarifs les plus bas sont celles qui emportent les marchés, ce qui mènerait à terme à la disparition de tout le secteur public et d’une partie du secteur privé si l’on ne fait rien. Là est actuellement le seul danger réel et concret.
4) Un conflit d’intérêt ? Je n’ai pas été assez précis. Ce n’est pas l’appartenance de Mathieu Poux (que je respecte tout autant et dont je partage également certaines positions) au conseil scientifique de l’Inrap qui pose évidemment le moindre problème. C’est le fait qu’il s’exprime publiquement, dans un grand journal du soir, en tant qu’expert reconnu (professeur d’université et directeur d’UMR), avec pour principal propos de défendre l’archéologie privée – alors même que sa conjointe travaille pour une entreprise privée d’archéologie. Cela n’a rien d’une atteinte à la vie privée « au-dessous de la ceinture », mais constitue effectivement, comme dans toute situation identique, un conflit d’intérêt caractérisé.
Notre collègue Mathieu Poux, professeur à l’Université de Lyon II, a publié dans le journal Le Monde du 23 décembre 2013 la tribune suivante, que je reproduis ici à fins d’information. Ce texte se présente comme un vibrant hymne à la « concurrence libre et non faussée » dans l’archéologie préventive française, dont tout le monde sortirait gagnant, et la recherche avant toute chose. Seule l’action irresponsable et corporatiste des syndicats de l’Inrap (certainement politisés) viendrait gâcher ce tableau idyllique en faisant abusivement pression sur le ministère de la Culture pour un retour à un monopole public de l’Inrap et des services de collectivités territoriales. Cette déclaration de principe souffre d’au moins quatre omissions.
Premièrement tout le monde ne partage pas cette analyse. Un texte a été adressé en juillet dernier à la ministre de la Culture et à celle de la Recherche par une soixantaine d’universitaires et chercheurs occupant ou ayant occupé des responsabilités importantes dans la recherche archéologique. Ils demandent que le système concurrentiel actuel soit pour le moins fortement amendé.
Deuxièmement, ce n’est pas le « retour » au monopole public de l’Inrap tel qu’il était organisé par la loi de 2001, qui est réclamé, mais la construction d’un monopole public, dans le cadre d’un pôle public où ce ne soit pas le marché qui décide de la recherche.
Troisièmement, les dérives se multiplient et montrent bien les limites du contrôle que peuvent effectués les services du ministère de la Culture. Le dumping social s’aggrave régulièrement. Certaines entreprises commerciales emportent les « marchés » en proposant des prix de moitié inférieurs à ceux de leurs concurrents, Inrap compris, et personne n’y trouve rien à redire. Le scénario catastrophe de Mathieu Poux en cas de retour à un monopole public peut parfaitement se réaliser, mais à l’inverse, si l’on prolonge les tendances actuelles : seules les entreprises commerciales les moins chères subsisteront, au dépens de toutes les autres, privées ou publiques.
Quatrièmement, notre collègue omet de préciser qu’il est aussi le conjoint de l’employée d’une importante entreprise privée d’archéologie. Ce qui relève normalement de la vie privée devient public à partir du moment où l’on s’exprime publiquement en qualité d’expert. Cela s’appelle un conflit d’intérêt et doit être obligatoirement déclaré, par exemple lorsque l’on siège dans un comité d’experts. C’est une règle éthique absolue.
Voici ce texte :
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Les archéologues en guerre
Il semble aujourd’hui bien loin le temps où la France détruisait son passé à grands coups de tractopelle à chaque construction de parking ou d’autoroute. Dans les décennies d’après-guerre, l’aménagement du territoire et la mécanisation des travaux ont bien failli avoir raison de deux mille ans de patrimoine. La mise en place d’une législation qui régit l’archéologie dite « préventive » permet désormais aux chercheurs d’intervenir à la manière de pompiers pour documenter ces vestiges. Son financement fait surtout appel à des fonds privés, par le biais d’une redevance appliquée à l’ensemble des travaux et l’obligation faite à l’aménageur de payer les fouilles.
En 2001, une structure a été créée pour répondre à cette mission assumée jusqu’alors par des associations : l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), dont l’activité est complémentaire de l’archéologie « programmée », portée par les universités et le CNRS. L’écho médiatique qui accueille chacune de leurs découvertes peut donner le sentiment d’une communauté unie de professionnels animés par la même passion.
MISE EN CONCURRENCE DES ARCHÉOLOGUES
Or il n’en est rien. Deux ans à peine après la création de l’Inrap, le gouvernement a instauré la mise en concurrence des archéologues. Les retards accusés par l’Institut dans la conduite de ses chantiers, dus en grande partie à l’impossibilité d’accroître ses effectifs, ont pesé dans le vote de députés qui sont aussi des élus locaux et les premiers aménageurs du territoire. A une situation de monopole difficilement tenable, ils ont opposé une logique d’appels d’offres. Le développement des services de collectivité et des sociétés privées a suscité la crainte, légitime, d’un déclin de l’Inrap, de licenciements massifs et d’une baisse drastique de la qualité des fouilles.
Pour éviter ces dérives, l’Etat impose un contrôle très strict des dossiers, et seules sont admises à intervenir des structures composées de chercheurs diplômés. Après des années de défiance à l’égard de ces « nouveaux » archéologues, la situation a fini par se normaliser. Malgré la concurrence commerciale, les collaborations entre chercheurs ont repris. L’évolution est sensible dans nos unités de recherche cogérées par l’Université et le CNRS, où les membres de l’Inrap, des collectivités territoriales et des sociétés privées œuvrent ensemble dans le cadre de projets d’intérêt général.
UNE RÉELLE LÉGITIMITÉ
Quant à la qualité scientifique des rapports de fouille, elle n’a pas varié. Ce qui n’a rien de surprenant, puisqu’ils sont rédigés par des chercheurs issus de la même filière universitaire. Le développement des opérateurs territoriaux et privés a favorisé leur embauche comme stagiaire, contrat à durée déterminée (CDD) puis contrat à durée indéterminée (CDI). Leur travail est constamment évalué par des comités de lecture et d’évaluation de la recherche. Geneviève Fioraso, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, vient de reconnaître que les agents du privé contribuent autant que les autres au renouvellement des connaissances. Dans le même temps, l’Inrap a acquis une réelle légitimité par la qualité de son travail de recherche et de médiation. De nombreux ouvrages, colloques ou expositions nationales sont à porter à son crédit. Aux côtés du CNRS et de l’Université, il assume de fait un rôle prééminent en matière d’archéologie métropolitaine.
Interpellée par voie de pétition quelques semaines après sa nomination, Aurélie Filippetti, la ministre de la culture, se voit aujourd’hui sommer de réexaminer ce dispositif. Une commission a été mise en place en 2012, chargée de plancher sur la rédaction d’un livre blanc qui a été remis au mois de mars. Les débats menés sous l’égide d’Aurélie Filippetti par l’ensemble des acteurs, publics et privés, ont débouché sur un projet plutôt consensuel de révision de la loi sur le patrimoine.
ILLUSION D’UN FRONT UNI FACE À UN ENNEMI COMMUN
En dépit de ces avancées, des manifestations récurrentes sont organisées par les syndicats de l’Inrap à chaque apparition de la ministre. Relayées par certains médias, elles donnent l’illusion d’un front uni des archéologues face à un ennemi commun ; en fait un ennemi intérieur « vendu au marché », dont la mise au ban de la communauté scientifique est réclamée. Le temps n’est pourtant pas si loin où les agents de l’Inrap étaient considérés par les chercheurs « institutionnels » comme la lie de la profession. Les mêmes qui dénoncent aujourd’hui les chantiers bâclés de leurs collègues sont-ils certains d’être toujours irréprochables dans l’exercice de leur métier ? Les placards des dépôts de fouille recèlent bien des cadavres, qui n’ont pas attendu l’avènement de la concurrence pour s’accumuler.
Le bruit des manifestations a couvert d’autres manœuvres plus discrètes. Certains articles du projet de loi ont été revisités dans l’intervalle, qui ne font plus l’unanimité. Pétitions et lettres ouvertes, émanant des services territoriaux et des salariés du privé, se sont succédé en l’espace de quelques jours. Poussant l’avantage, les syndicats n’exigent aujourd’hui rien de moins que le retour au monopole. Ce scénario, que le ministère a accepté d’examiner avant Noël, fait l’impasse sur des mois de concertation.
RÉFÉRÉ DE LA COUR DES COMPTES
Pour bien mesurer ses conséquences, il faut prendre connaissance du récent référé formulé par la Cour des comptes au sujet des difficultés chroniques de l’Inrap à assumer ses missions sans un recours aux subventions publiques. La charge est brutale et souvent injuste, mais elle pointe l’essentiel : en situation de monopole, il serait bien en peine de faire face à la totalité des demandes.
Qui, au vu du contexte budgétaire actuel, peut garantir qu’elles seront assurées par la création de centaines d’emplois publics ? La fermeture des sociétés privées est assumée sans états d’âme par des syndicats étiquetés à gauche. Leurs centaines de salariés n’auront d’autre perspective que Pôle emploi. Car peu trouveront leur place à l’Inrap, qui peine déjà à valoriser ses meilleurs éléments par des promotions internes au compte-gouttes. La sous-traitance de certains chantiers au privé a bien été envisagée en 2012, mais elle a tourné court sous la pression des syndicats.
APPRENTIS SORCIERS
Ce louable élan de défense du service public risque donc fort de se heurter au statu quo financier et à la réalité du terrain. L’Inrap ne pourra assumer ses missions qu’en allongeant les délais d’intervention. Les élus ont pris l’habitude de déplorer les retards de quelques mois qui affectent leurs travaux. Sont-ils prêts à accepter qu’ils soient à nouveau repoussés de plusieurs années au détriment des besoins en logements sociaux, écoles ou hôpitaux ?
A supposer que ces conséquences échappent à leur attention lors de l’examen du projet de loi, il est à craindre qu’elles se fassent rapidement sentir dans leur circonscription. Pour peu que l’Europe s’en mêle, au nom de la concurrence libre et non faussée, elles auront raison des plus ardents défenseurs du secteur public. Lesquels n’auront d’autre choix, faute d’alternative, que d’affaiblir la législation pour en revenir au système d’après-guerre : patrimoine massacré, retour des archéologues à la précarité et au bénévolat…
La légitimité acquise par l’Inrap et les relations qu’il a su tisser avec les autres acteurs de la recherche ont survécu à douze ans de concurrence. Il a tout à perdre d’une remise en cause du système actuel et de la diversité de ses acteurs. Les apprentis sorciers qui prônent ce salto arrière, au détriment immédiat de leurs collègues du privé, sont-ils prêts à en subir eux-mêmes les conséquences le jour venu ?
Matthieu Poux est professeur d’archéologie à l’université Lyon-II, directeur de l’UMR 5138 – MSH MOM, membre du conseil scientifique de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
Ce blog, à l’origine destiné à éclairer, bien qu’inévitablement de manière partisane, sur l’état actuel de l’archéologie en France, se transforme en une cour de récréation où certains propos deviennent plus qu’insultants. De mon petit observatoire, je vois tout cela d’un très mauvais oeil. Apprenons à dialoguer en scientifiques éclairés et élevons le débat. La connaissance archéologique, qu’elle soit à l’heure actuelle acquise et dispensée par des archéologues issus des sphères publique ou privée, a besoin d’être soutenue par un dialogue construit, qui doit nécessairement faire fi des clivages institutionnels. Les échanges par blogs, lettres ouvertes, mails ou autre forme de communication « indirecte », ne permettront pas de trouver une solution aux problèmes qui aujourd’hui parasitent et constituent un frein à la bonne marche de notre discipline. N’oublions pas que la France dispose d’une législation – certes discutable – en matière d’archéologie préventive quasi-unique dans le monde. Par ces affrontements qui parfois dérivent au règlement de compte, ce sont les fondements même de notre discipline qui sont compromis. L’organisation d’une rencontre, d’une grande manifestation, sur le thème précis du fonctionnement de l’archéologie préventive en France, réunissant INRAP, Collectivités, Privés, CNRS et Université, serait l’occasion d’un bilan mais bien au-delà de confronter les points de vue et de sortir de ces échanges où il est très facile de retourner (pour ne pas dire détourner) les propos de son interlocuteur. Si cela peut paraître à bien des égards utopiste, cela n’en est pas moins réalisable.
Un archéologue.
C’est en dérogeant aux principes de ce blog que j’ai publié ce texte, car l’anonymat est tout à fait contraire aux principes d’un débat intellectuel sain. Mais comme il émane d’un archéologue d’une entreprise privée, on pourrait penser qu’il n’exprime pas forcément la position de son employeur, d’une part. D’autre part il est sans doute représentatif de la position d’un certain nombre d’archéologues employés par des entreprises commerciales et je tenais à y répondre.
En effet, on ne peut que trouver sympathique l’idée d’une réunion où chacun pourrait confronter son point de vue – encore que l’on peut tout autant déformer les points de vue de son interlocuteur par oral que par écrit. Mais le problème n’est pas là : il est dans la logique radicalement différente du privé et du public. Lorsque l’on voit que certaines entreprises emportent le marché (comme je l’ai dit plus haut) avec des prix inférieurs de moitié à leurs concurrents publics ou privés, et que les instances de contrôle regardent à côté, il est clair que ce n’est pas la bonne volonté qui est en cause, mais juste la loi du marché, fondement de la loi de 2003. Toute la bonne volonté du monde n’y pourra rien.
En effet, la mise en application de cette loi de 2003 est au coeur du problème. Un problème qui est simple et vous le soulignez, le manque voire dans certains cas l’absence de contrôle scientifique dont chacun souffre. Je suis tout autant effaré que la plupart d’entre nous de voir la manière dont certains marchés sont emportés et dans quelles conditions se déroulent les chantiers et, encore au-delà, de la piètre qualité de certains rapports d’opérations préventives, qu’ils émanent du privé ou du public. Nous sommes donc d’accord sur la nécessité de renforcer le contrôle des SRA et de la nécessité pour leurs agents d’avoir davantage la « main-mise » sur les opérations à travers un cahier des charges solide, détaillé, où enfin seraient explicités des objectifs et des dispositions précises, notamment sur les post-fouilles où à l’heure actuelle chacun peut faire ce qu’il veut. Le choix d’un opérateur devrait être davantage motivé par la qualité du mémoire technique et scientifique et non par la « qualité » de sa prestation financière. Pour cela, il faut se mobiliser ensemble et non pas s’affronter ou si « confrontation » il doit y avoir, elle doit être cadrée, arbitrée et non pas dispensée de-ci de-là. Mise à part un enlisement de la situation depuis quelques mois, je ne vois aucune avancée positive, sinon qu’à présent chacun regarde son voisin comme un concurrent et non plus comme un collègue. Je suis pour ma part très admiratif des travaux de collègues du public et du privé tout comme je peux tomber des nues devant la médiocrité de rapports ou de publications émanant d’agents des deux sphères. Ce n’est que mon avis et je ne suis cependant pas juge, je laisse ça aux autorités scientifiques expérimentées et compétentes qu’il faut écouter et dont il faut nécessairement renforcer le contrôle. « Toute la bonne volonté du monde n’y pourra rien »… Avoir la volonté est une chose, en effet. Agir en est une autre. Continuons à nous diviser (et à dénoncer notre voisin) et nous n’auront plus que nos souvenirs (parfois agréables oui) pour nous consoler.
Je continue, malgré mes principes, à préserver l’anonymat de cet archéologue, employé d’une entreprise privée. Pour me répéter, le problème n’est pas celui de la qualité de telle ou telle fouille, de tel ou tel (ou telle) archéologue. Il est celui de la logique d’ensemble du système. Le secteur public peut avoir des défauts (et je n’ai jamais caché que l’Inrap actuel en avait un certain nombre), mais il reste au service de la recherche publique. La finalité du secteur privé est de verser des dividendes à ses actionnaires, et pour l’aménageur-payeur, il est de payer le moins possible. Puisqu’il est exclu que les SRA soient renforcés à court terme, et parce que, ce n’est un mystère pour personne, certains de leurs agents n’aiment pas l’Inrap, le système théorique de contrôle ne marche pas. Sinon certaines entreprises n’emporteraient pas le « marché » en proposant des tarifs inférieurs de moitié à tous leurs concurrents. Jamais l’amour du prochain ou de la Science ne viendra spontanément à bout de la logique du marché.
Pardonnez mon insistance et à bien des égards mon manque de maitrise du sujet, mais je souhaiterais connaître le destin que vous réservez, selon la logique que vous exposez, aux SRA? S’il est exclu qu’ils soient renforcés, comment devra s’exercer le contrôle des opérations? Vous pointez du doigt le favoritisme qu’exercent, à l’encontre de l’INRAP, certains de leurs agents (si c’est le cas c’est inadmissible j’en conviens tout à fait). Il s’agit-là d’un problème de nature humaine et on s’écarte bien ici de toute considération financière vous en conviendrez. L’éradication des opérateurs privés qui est souhaitée ne changera donc pas la donne, puisque ces pratiques de favoritisme que vous soulignez continueront à s’exercer, certes d’une manière différente, mais toujours au détriment de l’archéologie. Pensez-vous qu’il faille modifier le système en profondeur et supprimer les SRA, peut-être au profit de l’INRAP, comme ce que certains proposent? Dans ce cas, la question du favoritisme serait effectivement réglée mais n’est-ce-pas pour autant dangereux? Et pour satisfaire à votre souhait de mettre un terme à l’anonymat dont j’ai usé, non pas pour me cacher, mais davantage dans un souci de mettre de côté les étiquettes qui ne veulent pas dire grand chose (et dont il faut se détacher en ces heures difficiles, je continue à le penser), oui, je travaille bien pour un bureau d’étude privé. Je n’en éprouve pas plus de fierté que j’en éprouve de honte. J’ai simplement envie de comprendre les raisons et les mécanismes qui nous ont conduit dans une telle situation. Je vous remercie pour vos précédentes réponses.
D. Martinez
Je souhaitais que ce correspondant mette un terme à son anonymat (qui n’en est pas un pour moi, par la magie d’internet) parce qu’il me semble que les débats francs qu’il appelle de ses vœux n’ont pas à être anonymes ; nous ne vivons pas sous un régime totalitaire, et l’anonymat est propice sur ces forums à toutes les dérives verbales. Le manque de moyens des SRA est bien un problème, sur lequel au moins tout le monde s’accorde. Mais il se trouve que la politique actuelle du gouvernement poursuit celle du précédent en matière de réduction des services publics. Comme tout le système de la loi de 2003 repose sur le contrôle des SRA, et que celui-ci ne s’effectue pas correctement, le problème reste béant et on ne peut donc prétendre que tout va bien. Il n’a jamais été question de supprimer les SRA, mais certains CRAs appelaient jadis à une fusion de l’Inrap et des SRA, ce qui serait certainement une importante et rationnelle économie d’échelle, mais peu dans l’air du temps.
Monsieur le Professeur,
J’ai pris connaissance du long texte de votre blog du 11 décembre, texte que vous diffusez aussi largement par courriel. Jusqu’à présent je n’avais jamais voulu entrer dans cette polémique dont vous vous êtes fait une spécialité. Mais là, vos attaques personnelles et diffamatoires, vos arguments fallacieux et tellement détournés de leur contexte vont trop loin. Quelles que soient les idées que l’on puisse avoir, il faut savoir raison garder sans tomber dans la malhonnêteté intellectuelle. Visiblement nous n’avons pas la même notion de la démocratie et du respect réciproque au sein de la communauté scientifique à laquelle nous appartenons, celle des archéologues.
Je reprends donc votre texte, en corrigeant nombre d’erreurs et surtout vos interprétations mal fondées.
• D’abord, pour ce qui est du bénévolat, ce n’est absolument pas la « concurrence commerciale » qui a conduit à sa forte réduction. Cela ne date pas d’hier, dès les années 1990-2000 les bénévoles ont alerté sur leur devenir, reprenez les écrits de l’époque. La raison essentielle est la professionnalisation de l’archéologie avec la montée en puissance de l’AFAN, professionnalisation dans laquelle se sont engouffrés nombre d’entre eux qui trouvaient là un travail correspondant à leur passion. Du coup, le vivier de ces bénévoles s’est progressivement tari. Autre point fautif de votre part, c’est la loi (code du Travail) qui n’autorise pas le bénévolat : tout travail bénévole réalisé en collaboration avec du personnel salarié est assimilé à du travail clandestin et passible à ce titre de lourdes peines aussi bien dans le privé que dans un service public, dont l’INRAP. Il existe toutefois des solutions légales pour associer des bénévoles, que vous ignorez aussi bien entendu. En résumé donc, la question du bénévolat n’a rien à voir avec la « concurrence commerciale ». Merci de vous documenter avant d’écrire.
• Vous critiquez le fait que la pétition des archéologues des collectivités ait été « signée par des directeurs et actionnaires d’entreprises privées ». Qu’y a-t-il de honteux à cela ? Ce qui est honteux en revanche c’est votre conception de la démocratie. Nous sommes des citoyens comme les autres et en avons les mêmes droits, surtout lorsque nos confrères sont menacés.
• Ensuite, vous mettez l’INRAP au-dessus de la mêlée en tant que référent et en refusant le terme « opérateur » (mais inscrit dans la loi, cf. code du Patrimoine). Pourquoi pas. De là à en faire le pilote, le « fédérateur » de l’archéologie française, non ! Les années passées ont montré que la collaboration entre des agents de l’INRAP, pourtant de vrais collègues pour la plupart de ceux que je connais, et les entreprises privées était rendue presque impossible par la direction de l’établissement public, relayée par les directions régionales, malgré un affichage de façade (Note de N. Pot/J-P Jacob du 20/11/2009, « La place de l’INRAP dans le système concurrentiel »). Je passe sur la rétention d’information et le refus de collaborer avec des spécialistes. Mais cela va plus loin. Tous les opérateurs privés ont été un jour ou l’autre confrontés à des refus de participation à des colloques ou séminaires de la part d’agents de l’INRAP, non pas de leur propre chef mais à la demande de leur direction au prétexte que ces manifestations étaient organisées par des opérateurs privés. Il existe des exemples récemment vécus par Hadès, mais je ne souhaite pas impliquer ici les personnels de l’INRAP concernés, ces informations pourraient vous être communiquées à titre tout à fait privé. Les rares exceptions ont été le fait d’archéologues de l’INRAP qui ont refusé de se soumettre à ces directives, gages qu’il y a bien au sein de cet institut des personnes ouvertes d’esprit et désireuses de collaborations scientifiques quelque elles soient contrairement à vous. Belle préfiguration de ce que pourrait être l’archéologie fédérée par l’INRAP selon Jean-Paul Demoule. La « segmentation » tant critiquée par certains syndicats se manifeste surtout par l’inconséquence à refuser des relations scientifiques saines avec les chercheurs des opérateurs privés.
• Maintes fois vous insistez, comme dans presque toutes vos communications, sur ces chefs d’entreprises « qui réalisent actuellement de confortables bénéfices financiers personnels ». D’abord nous ne faisons pas de bénéfices, ce sont nos sociétés qui en font. Par ailleurs, un minimum de sérieux vous aurait conduit, vous comme les auteurs du rapport de la CGT, à souligner que depuis 2010 ces bénéfices sont en diminution constante, avec une moyenne de 3 à 5% ces dernières années, et cela pour plusieurs raisons. D’abord, la concurrence conduit à réduire les marges, c’est un fait. Mais aussi, la montée en puissance des opérateurs privés les a conduit à intégrer dans les sociétés nombre de salariés non liés à l’opérationnel tels que des gestionnaires de parc informatique, chargés de communication, responsables (ou directeurs) administratifs et financiers, maquetteurs de rapports, personnel administratif, etc. Cela a un coût qui n’est pas toujours répercutable sur le devis comme tout ce qui concerne la préparation de publications, les organisations de colloques, les journées portes-ouvertes et toute autre manifestation liée à la diffusion de la connaissance, le tout financé sur nos fonds propres, contrairement à l’INRAP. Tout cela n’est compensé par aucune rémunération directe, mais c’est notre volonté pour assurer le bon fonctionnement des entreprises d’une part et participer activement à la recherche et à sa diffusion d’autre part. En outre, à titre plus technique, une société ne peut pas faire ce qu’elle veut de son bénéfice. La règlementation impose d’abord d’alimenter la « réserve légale » et la « participation aux salariés ». Ensuite, une règle de bonne gestion veut qu’une part de ce bénéfice soit réservée aux investissements de nouveaux matériels ou consacrée à de nouvelles embauches. Ce n’est qu’au bout de tout cela que peuvent être distribués des dividendes si on fait un tel choix. Sous quel prétexte, autre qu’idéologique, un chef d’entreprise qui a la responsabilité de plus de 60 salariés, qui travaille environ 60 heures par semaine, qui engage ses biens propres pour le développement de sa société et engage aussi sa responsabilité civile et pénale dans la direction de son entreprise ne pourrait-il pas être rémunéré en salaire et dividendes ? Cette réaction récurrente chez vous démontre un certain fantasme du dividende versé. Le salaire rémunère le travail au quotidien, les dividendes rémunèrent la prise de risque, ce qui vous est totalement étranger. Mais pourquoi vous intéresser autant aux bénéfices des entreprises et aux salaires des chefs d’entreprise ? Vous posez-vous la même question pour les salaires des dirigeants de l’INRAP – pourtant un établissement public – dénoncés par la Cour des comptes en juin dernier ?
• Pour ce qui concerne la pétition « sensée émaner cette fois des salariés des principales sociétés privées » et le vote du salarié soumis « à l’amicale pression de son employeur », ici aussi de tels propos sont honteux. Vous n’avez donc aucun respect pour ces salariés ? En revanche, vous brandissez les notes des sections Sud-Culture-solidaire de Hadès et d’Evéha, issues pourtant de salariés de l’archéologie privée… Il y a ainsi pour vous deux catégories de salariés : les bons, qui sont syndiqués au plus proche de vos convictions, et les mauvais, les autres. Un peu de respect citoyen et de cohérence dans votre discours s’il vous plaît M. Demoule ! Il est sûr que 1200 signatures – dont celles de personnels CNRS et universités – en une petite semaine cela ne fait pas votre affaire.
Toujours au sujet de cette pétition des salariés, vous ne répondez pas sur le fonds. Partant de l’adage « qui ne dit mot consent », vous admettez donc que les archéologues du privé sont des sous-archéologues, ce qui vous permet de participer un peu plus à la division en cours de la communauté scientifique.
• Venons-en maintenant à votre liste des arguments contre « l’archéologie commerciale » (sic) que vous souhaitez voir éradiquée depuis longtemps. Que fait-on des quelques 600 salariés ? Vous pensez sérieusement qu’ils puissent être reclassés en bloc à l’INRAP et les entreprises indemnisées par l’État ? Et même, techniquement, comment gérez-vous par rapport aux lois françaises la transmission des contrats d’opération qui seraient en cours ? Quid de l’équivalence entre contrats de travail privé/ public ? Une vision toute utopique – et vous le savez – que vous n’énoncez qu’afin d’éviter le mot chômage pour nos salariés.
– Au 1er point de votre liste, l’insuffisance patente des services archéologiques conduirait à un défaut de contrôle. Je suis entièrement d’accord avec vous et suis heureux que vous ayez adopté cette idée qui est récente dans vos discours. Pour le Syndicat National des Professionnels de l’Archéologie (SNPA) ce fut la première des demandes faites dans le cadre de la Commission du Livre blanc. Mais, vous poursuivez en parlant de « cas les plus patents de manquements de la part de firmes privées ». Et revoilà la chanson éculée sur la non-qualité des opérateurs privés, thème qui vous est cher. Un peu de sérieux et surtout d’honnêteté (encore) M. Demoule ! Citez moi une CIRA ou un SRA qui ait officiellement dénoncé la baisse de qualité globale en archéologie préventive depuis 2005, date des premiers agréments, baisse qui serait due aux opérateurs privés. Je sais par trois CIRA que c’est même le contraire qui s’est produit grâce à une exigence de plus en plus grande de la part des SRA en premier lieu, mais aussi par une augmentation de la compétence de la communauté scientifique, opérateurs privés compris. Prouvez-moi le contraire. Mais par pitié ne me ressortez pas l’affaire de La Garanne ou autre opération similaire ; renseignez vous d’abord sur les tenants et aboutissants de tels cas sous peine de diffamation. Je ne dis pas que tout est parfait chez nous, opérateurs privés, mais ni plus ni moins que dans l’organisme que vous défendez.
– Au 2e point vous mentionnez un soi-disant « dumping sur les prix de la part des entreprises ». Là, vous auriez mieux fait de vous abstenir de cette réflexion car c’est bien le contraire qui se passe pour le vivre au quotidien. Dans les régions du Midi, HADÈS constate des écarts de prix entre nos offres (pourtant calculées au plus juste) et celles de l’INRAP jusqu’à -40% par rapport aux nôtres. Ici aussi une série de cas très précis pourraient vous être communiquées à titre tout à fait privé. Sachant que l’INRAP a des tarifs à la journée plus élevés que les nôtres, il en découle que les devis de l’INRAP ne respectent pas les moyens humains et/ou les durées minimums prescrits par les SRA, précisant à plusieurs reprises que « Les moyens décrits ci-dessus, qu’ils soient humains ou techniques, seront abondés si nécessaire afin d’être en adéquation avec la méthodologie retenue et, in fine, de remplir le Cahier des charges de l’État ». Abondement des moyens en cours de chantier à la charge de qui ?… C’est bien pour éviter ce genre de dérives que le SNPA a demandé avec force dans le Livre blanc que TOUS les devis produits soient soumis au jugement de conformité par les SRA avant signature par le maître d’ouvrage, contre l’avis de l’INRAP d’ailleurs tel qu’exprimé dans le cadre de la Commission du livre blanc sur l’archéologie préventive, et pour cause….
– Au 3e point, je vous suggère de suivre quelques cours d’économie ! Bien entendu que nous sommes attentifs à nos marges : quel scoop ! Il me semble utile de vous rappeler que toute entreprise privée française, qu’elle produise d’ailleurs des bénéfices ou non, crée de la richesse au niveau national ! Que cela soit pas le biais des impôts que nous payons, nos taxes, nos investissements, les impôts des salariés que nous employons, etc., permettant ainsi, entres autres, au personnel des services publics d’être rémunéré…
– Au 5e point, nouveau dénigrement des archéologues qui sont chez les opérateurs privés parce « qu’ils n’ont pas trouvé de poste dans des structures publiques ». Qu’est ce qui vous permet d’exprimer une idée aussi générale, sans enquête (non orientée bien sûr), hormis votre objectif de désinformation ? À Hadès, si pour certains cela est vrai, d’autres ont déjà travaillé dans le service public, dont l’INRAP, et ne sont pas prêts à y retourner et beaucoup ont fait le choix du privé qui offre la souplesse des petites structures, la communication interne, la qualité du travail, la communication scientifique et vers le grand public.
Si « certains employés des entreprises commerciales peuvent avoir un profil de chercheur », alors pourquoi les discréditer en agissant si violement pour qu’ils ne puissent être intégrés dans les UMR des universités ? Ici encore où est la cohérence de votre discours ?
Du coup, vous en déduisez que « ces entreprises ne sont pas des structures de recherche ». Le dossier que le SNPA a présenté à la Commission du livre blanc comportait un inventaire des actions de recherche engagées par chacune des structures. Plus de 20 pages détaillent ces actions sur les dernières années en terme de recherche proprement dite, d’enseignement, d’organisation de colloques ou séminaires, de publications, etc. Vous en avez eu connaissance mais vous ne voulez pas en tenir compte. C’est trop facile et surtout intellectuellement malhonnête (une fois de plus). Ces actions sont au moins équivalentes en proportion à celles de l’INRAP qui, elles, sont financées sur les fonds publics contrairement à nous. En outre, pour ce qui concerne le niveau de qualification du personnel, à HADÈS, sur un effectif total d’une soixantaine de salariés, 60% ont un niveau de formation minimal M2, dont 12 sont docteurs ou doctorants (soit 20%). À l’INRAP il est seulement de 6% (Référé de la Cour des comptes du 6 juin 2013)…
Les archéologues des collectivités territoriales et des opérateurs privés sont tenus de produire un travail scientifiquement qualitatif pour conserver et renouveler leur agrément. L’INRAP, lui, n’est pas tenus à cette contrainte…
– Au 8e point, vous faites référence à deux cas récents en les généralisant, suivant votre habitude, pour dénoncer les sous-équipements des opérateurs privés et leur dumping social. Vous poursuivez votre œuvre de démolition obsessionnelle des entreprises privées sans jamais avoir pris la peine, à aucun moment, de prendre connaissance du fonctionnement d’une entreprise d’archéologie. J’aurais accueilli favorablement une entrevue avec vous, dans nos locaux, avec visite de chantier, entretien avec les salariés, etc. Au lieu de cela, vous prenez un malsain plaisir à rejeter le dossier fourni pour le Livre blanc, dossier qui ne cache rien, élaboré en toute honnêteté essentiellement par mes soins, aidé de mes collègues du SNPA. En outre, vous ignorez (là aussi) que nos entreprises sont dotées de délégués du personnel parfois syndiqués, d’un Comité d’entreprise, d’un CHSCT en relation avec l’Inspection du travail (DIRECCTE) et la Médecine du travail, tous organismes intervenant de près ou de loin sur les conditions de travail en entreprise. Et naturellement nos chantiers font l’objet de contrôles inopinés de la part de la DIRECCTE. Critiquer et juger sans connaître, c’est la démarche intellectuelle que vous mettez en œuvre dans le cadre de vos travaux scientifiques ?
Contrairement à ce que vous prétendez, la grande majorité des opérateurs privés fait son travail avec passion, comme je dirige moi-même avec passion HADÈS depuis bientôt 20 ans, dans le respect des lois sociales et fiscales, et surtout dans le respect des salariés. HADÈS est même le 1er bureau d’étude en archéologie à avoir obtenu au niveau national, en 2012, la certification qualité ISO 9001. En conclusion de ce point, je serais totalement favorable à ce que soit instaurée une sorte d’audit par le ministère de la Culture ou celui de la Recherche au sein des opérateurs – mais de tous les opérateurs – charge à eux de s’appuyer autant que nécessaire sur les organismes de contrôle publics déjà en place (CRAM, DIRECCTE, etc.) ? Cet audit pourrait être réalisé, par exemple, à mi-parcours des périodes d’agrément et dans un même délai pour l’INRAP.
Arrêtez cette malhonnêteté intellectuelle qui consiste à mettre tous les opérateurs dans le même panier à partir de deux exemples négatifs très récents. Vous vous êtes bien gardé de souligner que les organes de contrôle de l’État (SRA, CIRA et CNRA) ont assumé leur rôle puisque une structure a disparu et l’autre vient de perdre un agrément. Les opérateurs privés peuvent être fiers d’assurer actuellement le plus de débouchés en archéologie comme vous le soulignez, totalisant environ 600 salariés.
Depuis des années vous mettez sur le dos des entreprises privées – de cette concurrence commerciale synonyme de déloyale pour vous – tous les mots dont souffre l’INRAP depuis son origine. Sachant que les opérateurs privés ne représentent aujourd’hui que 11% du « budget de l’archéologie préventive française » (sic. Rapport CGT) et 15% des salariés de la profession (Source rapport de la CGT, p. 26 et 28) vous voudrez bien m’expliquer la logique de votre raisonnement, autre que purement idéologique.
À aucun moment dans votre longue diatribe je ne vois la moindre réflexion sur une nécessaire réforme, voire restructuration de fond de l’INRAP. C’est bien là la limite de votre discours. Il est su de toute la communauté scientifique et des organes de tutelle que l’INRAP est une grosse machine bricolée au départ, mal organisée et mal gérée (voir la collection de rapports de la Cour des comptes et autres audits du Parlement ; l’INRAP n’a connu ses prix de revient d’interventions qu’en 2009 (cf. Note Pot/Jacob) ; un pilotage des activités par système informatique (SGA) n’a été mis en place qu’en 2011 (extrait du Bilan d’activité de l’INRAP 2011) ; et que dire de la gestion prévisionnelle des emplois (GPEC)…). Mais surtout ne changeons rien ! Il est bien plus facile de demander au contribuable de combler ce puits sans fond et de prendre le secteur privé comme bouc émissaire plutôt que de poser le problème sur la table et essayer d’y porter remède.
Par vos discours caricaturaux et déconnectés des réalités, vous réveillez de vives réactions, voire une hostilité qui n’est bonne pour personne. En tous les cas l’archéologie ne sort vraiment pas grandie de la désinformation et des pages mal documentées que vous diffusez. Cette désinformation pourrait se retourner contre « l’opérateur historique ». Certaines instances de Bruxelles pourraient être interpellées pour contrôler vos dires. Que ce soit sur la bonne observance du code des marchés publics – l’Inrap peut-il répondre à un appel d’offre alors qu’il est le rédacteur du rapport de diagnostic inclus dans le cahier des charges, et dont aucun lecteur extérieur ne sait si les données sont complètes ? Sur le financement – existe-t-il d’éventuelles passerelles entre les ressources financières issues de la RAP pour les diagnostics vers les opérations de fouilles préventives déficitaires – normalement deux budgets bien différenciés par la loi ? Sur le respect des conditions de travail, etc.
En conclusion, oui à la pluralité de l’archéologie française, oui à un grand établissement public d’archéologie préventive scientifiquement référent, à une archéologie de collectivités locales, à des opérateurs privés, mais aussi au regain de l’archéologie bénévole très insuffisamment soutenue. Donc oui à un INRAP réformé dans son organisation et son financement, avec lequel tous les autres intervenants en archéologie préventive puissent avoir des échanges scientifiques. Mais non à un établissement public qui « fédère » l’archéologie française comme l’entendent certains idéologues de l’INRAP, ces dix dernières années nous en ont montré un visage déplaisant…
Vous partez clairement en croisade contre les opérateurs privés certainement pour masquer vos propres incapacités à trouver des solutions durables d’amélioration. A plusieurs reprises dans vos blogs et communications (presse, radio, etc.) vous avez porté des accusations sans fondements. Ici vous dénigrez nommément la société HADES et ses actions et, plus grave encore, au travers de la généralisation que vous faites des opérateurs privés vos propos sont clairement diffamatoires à l’égard des dirigeants de la société que je représente et de ses salariés. Je vous rappelle que la diffamation en ligne et le dénigrement sont des délits lorsqu’ils sont rendus publics. Si vous persistez à porter atteinte à l’intégrité de la société HADES, de ses salariés et de ses dirigeants, je serai contraint de saisir en référé le Tribunal compétent en la matière afin de faire cesser cette attitude.
Au final, je crains que l’ostracisme que vous avez très largement participé à instiller dans les esprits depuis 2003 n’ait compromis pour longtemps l’ouverture d’esprit nécessaire à toute science.
Bernard Pousthomis
Président de la s.a.s. HADÈS
et secrétaire du SNPA
Je remercie Bernard Pousthomis pour sa franchise, et je suis heureux de lui permettre de présenter complètement son point de vue sur un des rares lieux de débats et d’informations de notre profession. Je ne pense pas, en ce qui me concerne, m’être jamais exprimé de façon insultante et diffamatoire, mais seulement descriptive, et je prends bonne note de ses menaces judiciaires. Je ne pense pas non plus avoir jamais montré le moindre mépris envers des archéologues de structures privées, comme le confirment les échanges que j’ai eu tout récemment avec deux d’entre eux et qui sont publiés juste en dessous. Certes, ce blog est le mien, mais le point de vue que j’exprime est celui d’une grande partie du milieu archéologique, comme en témoignent aussi bien les messages personnels d’approbation qui me sont envoyés, que les deux appels successifs en juin 2012 puis en juillet 2013 signés par une soixantaine de membres parmi les plus éminents de notre profession. Ce n’est donc pas une question personnelle. Je ne reprendrai qu’un seul point, celui de l’Inrap – dont je ne suis plus responsable depuis bientôt six années. Ce n’est pas parce les obstacles ont été sans cesse multipliés par ses différentes tutelles (Bercy n’en a jamais au fond admis la création, et l’administration du ministère de la culture à peine) et par le pouvoir politique, que cela justifie l’existence de la loi de 2003 et la création artificielle d’un « marché » de l’archéologie. L’idéologie, en l’occurrence, a bien été du côté de la majorité parlementaire de 2003. Quels que soient les dysfonctionnements de l’Inrap, que je ne songe pas à minimiser ainsi que je l’ai déjà écrit (tout comme ceux du CNRS ou des universités), cet institut répond à une logique de service public, radicalement différente de celle d’une entreprise commerciale – et quelle que soit la volonté de bien faire de ses employés.
Monsieur Bernard Pousthomis,
Je comprends bien votre verbiage, volant au secours des idées particulières affirmées par la création du « marché » de l’archéologie.
– Pour ce qui est du bénévolat, des dispositions légales existent, par contre un manque d’information semble être le point clé. Après qu’est-ce que le bénévolat? Le voisin, ou un étudiant sous « camouflage », ou un mec qui attends un contrat?
– La pétition des collègues de collectivités, bien entendu il faut faire sonner le clairon de « tous des archéos » et soutenir nos collègues d’un secteur malmené. En apparence on donne dans tous dans le même bateau, or les patrons ont tout intérêt à maintenir un statu quo de la situation et de jouer la carte de la division dans le public pour maintenir les affaires. Quand c’est nécessaire, on se montre favorable à l’un ou à l’autre avec du « vous voyez, on est comme vous, des chercheurs… »
– « Attentifs à nos marges », effectivement marges impliquent du bénéf. Heureux d’apprendre que vous payez des impôts. Sur ces marges, est-ce qu’il y a au moins une « prime » d’intéressement » pour tous les salariés, CDD et CDI? (Attention je connais la réponse)
– Beaucoup d’entre nous n’ont pas pu trouver leur place à l’INRAP, sic, et bien sûr les Zorro du privé ont filé la pitance espérée (bons patrons). Sur ce point vous omettez que l’INRAP et autres organismes publics sont bridés en nombre de postes depuis leur création par les gouvernements successifs, via Bercy, la Fonction publique , la Recherche et la Culture, ce qui leur a donné l’idée « géniale » de la loi de 2003 et permis votre « création ». Ceci dit, avant vous, des associations loi 1901 autres que l’AFAN, salariaient déjà sous droit privé, mais les statuts (ça compte!) n’étaient donc pas à but lucratifs.
– « Une demande, dans le livre blanc, des opérateurs privés, pour renforcer le contrôle de l’état (SRA) ». Mais bien entendu un coup de brosse à reluire, ça ne fait pas de mal, le petit pouvoir se câline avec le petit pouvoir. Avec les SRA de son coté, on rajoute une couche de légitimité. Mais l’histoire du scorpion et de la grenouille traversant la mare risque de se répéter, quid dans 10 ans, l’Etat est souvent ingrat suivant l’air du temps. Soyez fier de participer à défoncer plus de 30 ans de réflexions sur une archéologie préventive et une chaîne scientifique et sur la discipline elle-même. Et oui la Discipline avec un grand D !
– Non vous n’êtes pas une entreprise de chercheurs puisque que votre boîte, Hadès, est inscrite comme une société d’ingénierie et pas comme labo de recherche (alors que les privés de la pharmacie et de la cartouche peuvent l’être, injustice ou réalité?), les statuts ont une signification non?
– DP, CE, CHSCT…, ne sont que des dispositions légales à partir de X salariés, donc à part que vous soyez dans la légalité, vous n’êtes donc pas plus « progressiste » qu’un autre. Que certains sont syndiqués, ça me fait penser à Coluche « …je ne suis pas raciste, j’ai des disques de Sydney Bechet… » Il n’y a pas de section syndicale déclarée dans votre entreprise il me semble, donc avoir quelques uns inscrits dans une OS ou à un club de golf, ça ne doit pas vous changer le quotidien.
– L’INRAP est géré par le principe de Dilbert, je suis d’accord, comme une grande partie de la fonction publique et du privé (c’est pas moi qui le dit mais Scott Adams depuis 1989, et ce n’est pas un joyeux guevariste non plus). Mais on est nombreux et pas aidé par nos gouvernants (Etat, « management »…). Tirer sur une ambulance, c’est pas élégant, au fait où étiez-vous ces trente dernières années pour la construction de l’archéologie dite préventive?
– Le puits sans fin payé par le contribuable, facile non? Surtout que le financement des fouilles est le casseur/payeur, système dont vous bénéficiez. Pour les diags, c’est la redevance, basée sur du m2 et non sur du m3, toujours payé par le « casseur », système bien avantageux pour vous puisqu’il sert de catalogue pour la partie dite « lucrative », les fouilles (les autorités ont défini la chose pas moi).
– Le denier du peuple vous vous en servez dans certains colloques, puisque ne serait-ce que par la structure d’accueil et le mauvais vin servi à la fin, souvent louée, ou « prêtée » et donc payée par vos et/ou nos impôts, pour étaler votre vitrine. Idem pour les UMR, on est tous des chercheurs mais des fois qu’on peut gratter le Public … Qui est donc dans la malhonnêteté « intellectuelle »?
– Vous posez la question « pourquoi pas la refonte de l’INRAP »? Et pourquoi pas la refonte de l’Archéologie tout simplement, avec un vrai débat public et non pas des commissions fantoches? En fait cette situation vous convient et faut pas que ça change. Quand on veut mettre de la démocratie à tout bout de champs elle doit être directe! (Non pas « participative », mode s’étalant d’une certaine « gauche » à la droite extrême et qui consiste à je vous consulte mais on fera comme on veut de toute façon).
Sur cette même base, l’archéologie préventive publique se devrait être fédératrice et organisée scientifiquement et non par des bouliers et autre dernier de l’ENA. Ceci étant dit, ça gommerait les dissensions entre les organismes publics, et règlerait par la même le « privé » puisque il n’a pas lieu d’être alors.
– Faut pas confondre non plus les dirigeants de l’administration de l’INRAP et les archéologues. Ces gens sont nommés et non pas élus par les archéologues eux même. Ils sont donc imposés. J’espère que rien ne vous a échappé, ces dernières années, des évènements qui secouent la fonction publique. Il est sûr que les politiques actuelles visant à pourrir le public pour que l’on se tourne vers le tout « privé » se retrouvent dans le petit monde de l’archéologie. Une belle aubaine! Comme peut aussi le beugler votre camarade Frédéric Rossi « …les forces vives de la Nation… », c’est vous qui êtes l’avenir? Pas certain, puisque pour faire du fric il faut pas tomber dans le déficit, donc laissons la partie à perte à ces c… du public (les diag) et continuons ainsi, en plus si les résultats ne correspondent pas aux hypothèses du diag, on pourra aussi taper sur leur couenne (comme ça c’est déjà produit, si, si si … ). En faisant les pleureuses après des autorités (tiens du public pour le coup), ça ne mange pas de pain, etc…
– Pour ne pas travaillez 60 heures par jours, entrez dans la fonction publique (private joke)! Ou lâchez une de vos sociétés, Perséphone, inscrite sous le registre « Activités des sociétés holding ». Au moins les noms sont à thèmes (Il y a au moins Pluton qui traîne aussi).
Non il n’y à pas croisade mais deux visions des choses qui s’affrontent : une vision néo-libérale voulant se nourrir sur plusieurs décennies, de construction et de luttes pour la discipline ; et de l’autre ces odieux ringards idéologues qui ne veulent pas que la recherche et le patrimoine soient une marchandise.
Je suis fier, donc, d’être un ringard-rétrograde-idéaliste, même si je ne suis pas non plus pour le tout état actuel, ni un agent « Demoulien ».
Frédéric Marti
Une correspondante, écrivant sous le pseudonyme de « Cougar_42 », me traite de « délateur » parce que j’ai donné le nom et l’entreprise de Sébastien Toron lors du précédent message. Je rappelle que je ne publie ici que les interventions signées (et pertinentes par rapport au sujet). Il n’est qu’à lire les commentaires des lecteurs sur les sites d’un certain nombre de medias pour voir ce que l’anonymat entraine comme déprimantes et inintéressantes dérives dans les débats d’opinion. S’agissant de la recherche archéologique, chacun doit pouvoir ici assumer pleinement ses idées, sous son nom ; ce ne peut qu’enrichir la discussion. Il ne me semble pas non plus que nous vivions sous un régime politique tel qu’il serait dangereux de s’exprimer en son nom sur l’organisation de l’archéologie. Si en revanche on invoquait les pressions que l’on pourrait subir de la part de son employeur, cela ne ferait que renforcer les craintes que partagent un certain nombre d’entre nous sur l’existence de telles pressions dans les entreprises privées.
Bonjour,
je me permets de rebondir sur votre réponse au dernier commentaire. Quand vous dites que ce seront toujours les marges et le profit qui gagneront, je pense que vous éludez un élément important… Nous savons tous qu’un RO a deux « patrons », celui de la structure qui l’emploie et le Ministère de la Culture à qui il rend des comptes en son nom personnel et pas au nom de la structure qui l’emploie, les avis de CIRA aussi sont nominatifs. Alors oui, parfois c’est schizophrénique comme situation puisque les attentes de l’un ne concordent pas forcément avec celle de l’autre mais ce système est le bon car il pousse les RO et les spécialistes qui participent au rapport à donner le meilleur d’eux-mêmes. Quant à dire qu’un jour on se laissera marcher dessus pour conserver les marges de nos employeurs au dépit de la science, c’est sous-entendre qu’un jour on abandonnera ce côté « je me donne à fond » pour baisser la tête et faire ce qu’on nous dit sans broncher, sans ciller et sans nous battre. Or le mouvement qui est en train de se créer va à l’inverse de ça, nous sommes prêts à nous battre pour pouvoir exercer notre métier dans les meilleures conditions possibles, aux yeux de la loi mais egalement au sein de nos sociétés respectives, et nous ne lâcherons rien, peut importe qui se présentera devant nous.
Le message d’Emilie Briand, de l’entreprise Archeoloire, va dans le même sens que le précédent, celui de Sébastien Toron, mais ouvre également des pistes encourageantes. Je ne répéterai pas les mêmes arguments que j’avais développés ci-dessous, mais reviendrai sur deux autres points qu’elle mentionne. Le premier est celui du rôle des SRA, essentiel en effet. Mais, on le sait, ils n’ont pas les moyens humains d’un véritable contrôle. De fait, la plupart des dysfonctionnements qui ont pu être notés (et n’ont été qu’exceptionnellement sanctionnés) ne sont pas venus d’eux, mais d’observateurs extérieurs. Car, outre leur surcharge de travail, certains agents des SRA persistent dans le deuil de l’AFAN et, par hostilité à l’Inrap, ferment volontairement les yeux sur les dysfonctionnements de certaines entreprises commerciales, quand ils ne les couvrent pas, comme dans le cas de la villa gallo-romaine de La Garanne, près de Marseille, rare exemple où une enquête administrative ait été engagée – mais laissée néanmoins sans suite. Un certain nombre de cas semblables pourraient être cités, et il serait d’ailleurs opportun d’en faire la liste et le suivi.
Le second point est le rôle que peuvent jouer les salariés motivés à l’intérieur de ces structures. J’avais déjà signalé les débuts d’une syndicalisation au sein de certaines entreprises, débuts plutôt mal ressentis par leurs directions. Ce que dit Emilie Briand est important, puisqu’elle assure qu’elle est prête à se battre pour défendre la qualité de son travail scientifique. De même que vingt années de combats ont permis aux contractuels de l’Afan de travailler finalement dans les conditions d’un établissement public (même encore imparfait), il est certain que, quels que soient les aménagements législatifs en cours (et qui ne seront certainement pas les derniers), ce seront aussi les batailles des employés de ces structures qui seront l’une des garanties décisives de la qualité de la recherche archéologique à venir.
Il serait temps d’arrêter de croire que nous sommes des brebis qui suivent malgré elle un loup déguisé. Vous ne voyez donc pas simplement que les nouvelles générations d’archéologues n’ont pas connu que l’Inrap, qu’elles ont été formées d’abord bénévolement et ensuite au sein de nombreuses structures avec leurs bons et leurs mauvais formateurs comme à l’Inrap ?
Nous ne sommes pas instrumentalisé par nos employeurs, et nous ne vivons pas archéologue malgré nous dans nos entreprises. Nous vivons la recherche scientifique au quotidien, pas tous dans les mêmes conditions certes, mais nous tendons à leur amélioration avec la force de notre conscience professionnelle, ce que vous semblez ignorer. Pendant ce temps vous criez sans cesse au loup, alors que l’Inrap se mange sans cesse la queue.
Je remercie Sébastien Toron, de l’entreprise Eveha, pour cette contribution qui est effectivement significative de l’esprit d’une partie des générations plus jeunes, qui ont trouvé en arrivant sur le marché du travail un paysage nouveau marqué par des années de libéralisme économique et idéologique, mais où l’archéologie préventive était définitivement acquise, et qui n’ont pas vécu des années de combats pour imposer la loi de 2001 et la création d’un établissement public de recherche. Le problème n’est cependant pas celui de l’Inrap tel qu’il est d’une part, et de telle ou telle entreprise privée d’autre part. C’est celui, comme j’ai essayé de l’expliquer dans mon texte, d’institutions de services publiques d’une part (collectivités territoriales, SRA, CNRS, Universités, Inrap), et entreprises commerciales privées de l’autre. La logique est radicalement différente. Dans un cas, c’est une logique de service public, même s’il y a des dysfonctionnements (les universités sont dans la misère, l’administration de l’Inrap est parfois trop lourde et sa hiérarchie parfois sclérosée, etc). Dans l’autre, comme vous avez pu le lire dans le rapport de la CGT, c’est une logique de profit, et même de confortables profits. Il se peut, et j’espère même, que vous ayez actuellement le sentiment de travailler au milieu d’un groupe sympathique, avec tout l’enthousiasme que l’on peut avoir dans les premières années d’une carrière professionnelle ; que vous ayez la certitude que vous ne laisseriez pas un site être fouillé à la va vite même si vos supérieurs vous en donnaient l’ordre afin de préserver leurs marges (cela s’est vu). Mais à terme, ce sera toujours la logique de profit de votre entreprise qui l’emportera. Ce n’est pas une prévision de mauvais augure, c’est le cas de TOUS les pays qui ont expérimenté le développement d’une archéologie commerciale. Il est normal que le manque de perspective de carrière scientifique à long terme (même si la vôtre est déjà bien engagée) au sein d’une entreprise commerciale ne vous préoccupe pas dans l’immédiat ; mais il se posera un jour ou l’autre, pour vous comme pour tous vos collègues dans la même situation. Quant à la capacité de résistance des contractuels des entreprises privées pour ne pas signer la pétition, on peut l’imaginer relative. Que des procédures de licenciement aient été engagées contre des employés syndiqués dans au moins une de ces entreprises, est un signe. Dans tous les cas votre intervention porte sur un point essentiel du débat en cours, et je suis évidemment prêt, avec d’autres, à le poursuivre sous une forme ou sous une autre, et je vous remercie de l’avoir ouvert avec cette franchise.
Dans les pays comparables au notre -disons donc les pays européens- qui se sont orientés vers une archéologie préventive de service confiée à des opérateur privés, on peut voir à quel état les prétendues « forces vives » de ces nations ont amené la discipline. Il est curieux que les patrons des entreprises privées de France ne nous parlent pas de ces remarquables réussites. Sans doute préfèrent-ils nous fournir un nouvel exemple concret. Je dois reconnaître que le vautour libre a un côté « force vive » dont ne peut se targuer le cadavre libre qu’il dépèce. C’est un fait. Je crois quand même que le vocable force vive s’applique plus justement à celles et ceux qui ont rendu possible l’archéologie préventive. Je veux bien que mon attitude soit d’un autre âge : le futur.
Pas glorieux monsieur Rossi,
Il est toujours étonnant comment les requins du néo-libéralisme s’attribuent et retournent à leur avantage le concept « forces de progrès » et « forces vives du fric pour ma pomme » en surfant sur la « mode » actuelle de l’enfermement cocorico.
Pour la pétition, l’archéologie ne se pratique pas qu’avec un diplôme mais aussi et surtout cette discipline s’enrichit et évolue par force de savoir faire et d’expériences communes sur du long terme. Dans notre monde si bien pensé, le diplôme est une clé pour accéder au monde du travail. Certains ont un trousseau plus garni que d’autres. La seule justification par diplôme dans sa vie de jeune homme (femme), ne permet pas outre mesure la mise en oeuvre de gestes complexes pour la compréhension des cultures passées. Or le mercenariat induit par la loi de 2003 et votre présence (de patron) actuelle ne semble pas une réponse adaptée à l’archéologie en tant que discipline scientifique, puisque vous voltigez sur le territoire au gré des fouilles juteuses pour votre portefeuille, sans stratégie autre.
Un petit mot aussi sur les projets encadrés et validés, moi aussi je sais faire des copier-coller des orientations scientifiques écrites dans les rapports de diagnostics du public, ce sympathique catalogue mis à votre disposition pour votre marché. Le florilège, dans cette pétition de services d’état vous encadrant, me fait penser que vous n’avez pas besoin d’animateurs de la recherche mais de d’être protégé par des flics (police du capital) en adéquation au relent cocorico.
Actuellement la surveillance des fouilles par les SRA pourrait aussi poser un problème puisque ces mêmes SRA, en insuffisance de moyens aussi bien matériels, intellectuels et humains, sont loin de leur rôle passé de scientifiques. Le préfet de région est le DRAC, un oubli dans la précision, pas le préfet des licences IV et autres préfectures à personnages politiques en vue. Le suivi des post-fouilles ? On se tel, on se fait une bouffe et on raconte sa vie ?
Soyons sérieux M. de Rossi, la légitimité scientifique c’est le vernis à avoir pour favoriser votre confort matériel ?
Et qu’est-ce que c’est ces citations « google », venant d’un instruit, scientifique et patron comme vous?
FM
Monsieur,
Je lis avec intérêt les textes que vous publiez assez régulièrement sur votre blog et je constate que finalement votre conception de l’archéologie est très proche de celle des agents de l’INRAP et de la mienne en particulier ce qui ne paraissait pas toujours aussi clair du temps où vos fonctions vous forçaient à une certaine réserve. Je donnerai trois précisions par rapport au texte sur la réforme de l’archéologie préventive.
-Vous soulignez le fait que les entreprises privées emploient les jeunes archéologues sorties des universités. Mais il convient de souligner que, la plupart du temps, ces étudiants ont été formés comme stagiaires ou CDD à l’INRAP. Cette formation ne coûte rien aux entreprises privées et on vient ensuite (les SRA par exemple) nous vanter la qualité des archéologues du privé alors même qu’ils viennent de chez nous, pour la plupart.
-Suite à la manifestation du 19 novembre, l’information a été diffusée sur France Culture et on y a donné la parole à Frédéric Rossi (patron d’Archéodunum) et un autre responsable d’une boîte privée qui ont laissé entendre qu’il n’y avait pas de problème dans le système actuel… Venant d’une radio comme France Culture, c’est une drôle de manière de traiter l’info.
-Ce que je pressens au travers de ce qui se passe actuellement, c’est une volonté d’éliminer progressivement l’INRAP du système de l’archéologie préventive. Or l’INRAP c’est le corps même de cette archéologie, c’est la mémoire des grèves de l’AFAN, d’une volonté de structurer un système qui était précaire durant de longues années. Cette précarité, elle a disparue de 2001 à 2003 pour revenir plus forte encore. Eliminer l’INRAP, c’est éliminer les manifestations de masse pour l’archéologie préventive. Lorsque les aménageurs et les politiques décideront d’éliminer définitivement ce qu’ils considèrent comme une contrainte, croyez-vous que les entreprises privées iront manifester pour défendre ce système? Les patrons reprendront leurs billes en laissant les archéos sur le carreaux et on en reviendra à la bonne vieille archéologie des découvertes fortuites des années 50-80… Je pense que c’est la réelle motivation de ceux qui travaille à la destruction de l’établissement publique.
Bien cordialement
Daniel Frascone
Pendant que certains s’époumonent à défendre des positions d’un autre âge, les forces vives de la Nation se préoccupent de fédérer tous les acteurs de la recherche scientifique en archéologie :
signez le pétition
http://petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2013N45537
J’ai connu Frédéric Rossi plus courtois naguère sur ce blog, plus serein – et moins nationaliste. Actionnaire unique d’Archéodunum et président du « syndicat national des professionnels de l’archéologie », c’est à dire du cartel des actionnaires des entreprises privées d’archéologie, je comprends tout à fait son émoi. Concernant la référence chronologique aux « positions d’un autre âge », s’il est vrai que le programme du Conseil National de la Résistance, posant en particulier les bases du service public en France, date de 1944, l’ouvrage d’Adam Smith, théoricien du dogme du « marché » et de sa « main invisible » remonte quand même à 1776. Et il n’est pas certain que le libéralisme économique et la concurrence généralisée de tous contre tous soient devenus l’horizon indépassable de l’humanité. Il n’était pas non plus nécessaire de mettre le lien vers la pétition de soutien aux entreprises commerciales, puisque je l’avais fait moi-même dans mon texte, par souci d’une information complète. Quant aux signataires, il ne serait pas anormal de connaître leur raison sociale, leur nationalité et leurs liens avec leurs employeurs. Pour le reste, les « positions d’un autre âge », que beaucoup défendent en France comme à l’étranger, se jugent sur la situation réelle de la recherche archéologique.