Usages et mésusages des Gaulois (nos ancêtres ?)

Béziers

Béziers, quartier de la Devèze, mars 2015

Lorsque l’on pénètre ces semaines-ci dans la ville de Béziers, d’énormes panneaux annoncent en grosses majuscules fluo : « LES GAULOIS DÉBARQUENT À BEZIERS ! ». Sur l’affiche au fond noir, un garçonnet blond aux yeux bleus, en gros plan, coiffé d’un casque à corne trop grand et vêtu d’une peau de bête, semble se précipiter vers le spectateur avec une féroce grimace, brandissant une énorme hache, ou plutôt une francisque de théâtre. Hasard, ces panneaux sont particulièrement abondants dans la périphérie de la ville, le long des mornes barres d’immeubles qui abritent, si l’on peut dire, de nombreuses familles issues de l’immigration. Un sous-titre précise : « pour en finir avec les idées reçues ».

La réalité de ce « débarquement » est pourtant bien mince. Il s’agit simplement de la venue à Béziers, au musée du Biterrois, entre février et août 2015, d’une partie de l’exposition archéologique qui fut organisée à Paris en 2011-2012, on s’en souvient, à la Cité des Sciences de La Villette et sous l’égide de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Elle s’appelait en fait « Les Gaulois, une exposition renversante » et arborait donc sur son affiche décalée un Gaulois fantaisiste tête casquée par terre et jambes en l’air, entouré d’objets flottants, coq, épée ou dolmen. Le site internet précisait : « Une exposition qui bouscule les idées reçues sur les Gaulois. Venez découvrir comment vivaient les habitants de la Gaule du Centre et du Nord de -250 à -52 avant J.-C., et comprendre comment le travail des archéologues permet de mieux connaître ces sociétés ». Son propos était précisément de montrer comment trois décennies d’archéologie préventive avaient totalement transformé notre vision des Gaulois, passées du village d’Astérix avec ses druides et ses sangliers, à des sociétés étatiques et urbaines, pas si éloignées que cela de celles du monde méditerranéen. Ajoutons que l’archéologie du monde méditerranéen à cette époque y était fort peu abordée. 

Ce n’est en réalité qu’une petite partie de l’exposition originelle qui a été installée dans le Musée du Biterrois, situé dans la vieille ville. Ce musée assez récent présente des collections permanentes ethnographiques et historiques de bonne tenue, évoquant notamment les exploits techniques de la construction du Canal du Midi, ou encore les fameuses émeutes viticoles de 1907. Mais aucun espace n’est dévolu à des expositions temporaires. Il ne reste donc de l’exposition de La Villette que quelques reproductions de tableaux du XIXème siècle évoquant les représentations traditionnelles des Gaulois, alignées sur un mur qui restait disponible, et cinq ateliers pédagogiques dispersés au milieu des collections permanentes. De fait, le musée est la plupart du temps désert en visiteurs, résultat d’une politique culturelle en déshérence depuis des décennies, tout comme l’ensemble de la politique urbaine de la ville.

            Manipulations de l’histoire 

Cet abandon a permis, on le sait, au journaliste Robert Ménard, naguère co-fondateur de Reporters sans Frontières, d’arracher la mairie à la droite locale avec le soutien du Front National, et l’appui de Philippe de Villiers et Nicolas Dupont-Aignan. Dans cette ville sinistrée, jadis métropole régionale à l’égal de Montpellier, les marges de manœuvres financières sont inexistantes. Il ne reste donc plus au nouveau maire qu’à faire de la « communication » en flattant les sentiments présumés de son électorat et en manipulant conjointement l’histoire de France et les fantasmes culturels et identitaires dudit électorat : interdiction d’étendre le linge en centre ville, interdiction de cracher par terre, interdiction de la garderie matinale pour les enfants de chômeurs, messe (désapprouvée par l’archiprêtre de la ville) en ouverture de la Féria, jumelage de Béziers avec le village syrien chrétien de Maaloula (tout en soutenant l’actuel régime syrien), rédaction confiée à l’idéologue d’extrême droite Renaud Camus d’un livre sur Béziers à offrir aux visiteurs de marque, panneaux illustrant une arme de poing et proclamant que « la police municipale a un nouvel ami », remplacement du nom de la « rue du 19 mars 1962 » (fin de la guerre d’Algérie) par la « rue du commandant Hélie Denoix de Saint Marc – héros français » (officier putschiste chargé des relations publiques des parachutistes français pendant la Bataille d’Alger, fait grand croix de la légion d’honneur en 2011 par le précédent président de la République), mise en berne des drapeaux français ce même 19 mars, etc.

Le Journal de Béziers, mensuel municipal, est éloquent. Celui de février 2015, par exemple, évoque les rénovations scolaires « pour nos chères têtes blondes » (photos d’enfants blonds à l’appui), et annonce en Une « Les filles sous la douche ! », avec en pages intérieures un cliché des volleyeuses locales (pas toutes blondes) vêtues de serviettes de bain – mélange typique d’idéologie et de grivoiserie, comme on en trouve en Grande-Bretagne dans le Sun ou en Allemagne dans la Bild Zeitung.

Relayée par ce bulletin, une campagne d’affiches annonce régulièrement que « Béziers libère la parole » : en l’occurrence, il s’agit de conférences où viennent s’exprimer des personnages aussi « ostracisés » et médiatiquement invisibles que Eric Zemmour, Philippe de Villiers, Laurent Obertone ou encore André Bercoff. Ce qui nous ramène au panneau gaulois évoqué en introduction qui, en sous-titre, proclamait : « Pour en finir avec les idées reçues ». Certes, l’expression semblait reprendre celle de l’affiche parisienne mentionnée plus haut mais, en résonance avec la « libération de la parole » prônée par l’équipe municipale de Béziers, on se trouve clairement dans le champ sémantique de la droite extrême, celui du « complot médiatique », de la « dictature de la pensée unique » et de la « bien -pensance » – termes en grande partie empruntés au vocabulaire de la gauche mais retournés.

            Les Gaulois en otages

« Gaulois », les connotations de ce nom de peuple, nom que nous devons aux Romains, sont entrain de changer progressivement. Traditionnellement, « nos ancêtres les Gaulois » était une expression qui faisait sourire. Le journaliste et historien François Reynaert a publié en 2010 sous ce titre (en ajoutant : « et autres fadaises ») un best seller sur les mythes de l’histoire de France officielle. Ces ancêtres pittoresques évoquaient spontanément la « gauloiserie » et, inévitablement, le village d’Astérix, ses bagarres et ses sangliers. C’est à quoi s’attaquait justement l’exposition « renversante » de la Cité des Sciences de La Villette qui, tout en évoquant les imageries successives des Gaulois dans l’histoire de France, entendait surtout faire partager au grand public l’état actuel de nos connaissances archéologiques et historiques. En septembre 2014, un colloque historiographique organisé à Clermont Ferrand a rassemblé pendant deux jours plusieurs dizaines de participants sous le titre « Quand l’usage fait l’image – les Gaulois de la manipulation historique à l’archétype ». Organisé par Ludivine Péchoux et Oriane Hébert, il faisait un écho volontaire à un précédent colloque fondateur, intitulé justement « Nos ancêtres les Gaulois » et organisé en 1980 dans la même ville par Paul Viallaneix et Jean Ehrard.

L’exploitation des Gaulois à des fins politiques n’est pas récente. Sans même remonter à la « celtomanie » des débuts du XIXe siècle, le Second Empire puis Vichy ont amplement tenté de s’annexer les « Gaulois ». Il y a quelques années, sur des affiches du Front National un fier guerrier gaulois posait virilement sa main sur l’épaule d’un jeune activiste afin de l’inciter au combat (idéologique). Comme l’avait montré Laurent Olivier dans un article de la revue Les Nouvelles de l’Archéologie, ces affiches n’étaient qu’un décalque d’affiches de la propagande vichyssoise. De fait, « Gaulois » est souvent synonyme de « Français de souche » sur les sites internet d’extrême droite. 

Mais, de même que le Front National est passé de son statut de groupuscule nostalgique qu’il était dans les années 1970 au mouvement de masse populiste et xénophobe qu’il est aujourd’hui, en phase avec tous les mouvements analogues européens – de même, de pittoresques marginaux, les Gaulois sont de nouveau entrés de plain pied dans le débat identitaire et nationaliste. 

Le 22 mars 2012, juste avant les élections présidentielles (et 44 ans jour pour jour après le début du mouvement de mai 1968), le Premier Ministre François Fillon inaugurait le nouveau « Muséoparc » d’Alésia, dû à l’architecte Tschumi, en évoquant à propos du célèbre siège « une défaite fondatrice ». Déjà, en ses débuts, les promoteurs de la défunte « Maison de l’histoire de France » s’étaient interrogés sur la « naissance de la France » : datait-elle des Gaulois (selon la tradition républicaine), ou du baptême de Clovis (selon la tradition catholique et monarchiste), ou encore du Traité de Verdun (conclu en 843 entre les trois petits-fils de Charlemagne pour se partager l’empire) ? La question de « l’origine de la France » n’a évidemment aucun sens historique, et l’on peut remonter si l’on veut être précis aux plus anciennes traces humaines sur notre territoire, celles d’homo erectus sur la commune de Lézignan la Cèbe dans l’Hérault, datées d’environ 1,2 million d’années. De même que certains d’entre nous (Français) ont sans doute des ancêtres qui, il y a une centaine de générations, vivaient sur le territoire de la Gaule, tandis qu’un tiers d’entre nous ont au moins une grand mère ou un grand père né à l’étranger.

            Le prince celte de Lavau

La présidente du Front national a « tweeté » le 5 mars dernier : « Magnifique découverte à Lavau qui rappelle que la France n’est pas un pays hors-sol mais le fruit d’une histoire pluriséculaire ». On sait en effet qu’à Lavau, près de Troyes dans l’Aube, une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives a mis au jour une tombe princière celtique des environs de 500 avant notre ère (http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/p-19360-Decouverte-en-France-d-une-nouvelle-tombe-princiere-du-Ve-siecle-avant-notre-ere.htm). L’important personnage masculin emportait dans la mort, au sein d’une chambre funéraire en bois recouverte d’un imposant tumulus, un énorme chaudron de bronze et un vase rehaussé d’or, deux « trésors » importés du monde méditerranéen pour l’usage des « barbares » à des fins de commerce. En termes de spectaculaire, de telles découvertes sont exceptionnelles, et la précédente découverte équivalente remonte à 1953, avec la tombe de Vix et son célèbre cratère de bronze. 

On pourrait ironiser sur la réaction de la présidente du Front national. Sans même évoquer le niveau exceptionnel de hiérarchie et d’inégalité sociales que suppose cette inhumation somptuaire, on remarquera que les objets les plus marquants ne sont nullement autochtones et « celtiques » (sinon « français »), mais bien « étrangers », grecs ou étrusques. Et que ces objets témoignent déjà d’une Europe de la libre circulation, avant la lettre, des personnes et des produits. Mais si le Front National devait arriver au pouvoir, d’une manière ou d’une autre, réjouissons nous au moins sur un point : il semble aimer l’archéologie.

Le lieu de la découverte de Lavau n’est pas non plus indifférent. Depuis plusieurs années des fouilles systématiques sont menées dans la vaste zone d’aménagements industriels et commerciaux liés à l’agglomération de Troyes et dénommée « Parc technologique (ou Technopole) de l’Aube ». Les premiers et importants résultats archéologiques avaient été présentés dès 2009 par l’Inrap au sénateur (divers droite) du cru, Philippe Adnot, élu depuis un quart de siècle. Son commentaire avait alors été qu’il « s’était accroché à la table pour ne pas se lever et partir » en constatant qu’il avait « dépensé autant d’argent pour savoir qu’il y avait eu des gens qui vivaient là autrefois ». On ignore ce qu’il a pu dire depuis de la découverte de Lavau.

            Détestations du passé

Le sénateur Adnot n’est pas le seul représentant du peuple à détester l’archéologie. Le député Pierre Méhaignerie, ancien ministre de l’équipement, s’indigne sur son blog qu’on ponctionne sa commune de Vitré pour des fouilles archéologiques dont certaines « pour des résultats très minces » et invoque à l’aide le « choc de simplification » – sujet d’un précédent texte sur ce blog-ci. On se souvient qu’il s’était adressé en mars 2003 aux responsables de l’Inrap (dont moi-même) en ces termes choisis à l’occasion d’une mission parlementaire à propos de (ou plutôt contre) la nouvelle loi sur l’archéologie préventive :

« J’ai rarement vu un texte qui conduise à autant de réactions négatives. Depuis son adoption, des députés de tous les groupes demandent, dans les couloirs de l’Assemblée, de “supprimer cette c… de texte” — je reprends exactement les termes – toutes sensibilités comprises. J’estime donc que vous avez mis tout le monde contre vous par le mépris vis-à-vis des collectivités, l’absence d’information, la centralisation. […] Certains disent que refuser cette redevance, c’est faire triompher la loi du profit. C’est trop facile à dire. J’estime que l’application de ce texte a été quelque chose d’inconvenant, de méprisant et d’incroyablement néfaste. »

Les réactions du député Méhaignerie et du sénateur Adnot ne nous éloignent pas des Gaulois. C’est sans doute parce que la vision traditionnelle des Gaulois (dont nous sommes redevables à leurs vainqueurs) les décrit comme des barbares, et qu’ils ont été vaincus, qu’une partie des élites françaises continue, consciemment ou inconsciemment, à mépriser l’histoire et l’archéologie de notre pays et à les juger indignes d’intérêt. Nous devrions bientôt voir si la contamination continue de la « droite de gouvernement » par les idées du Front national conduira ou non vers une revalorisation de l’archéologie des Gaulois, et vers une réhabilitation de l’archéologie du territoire national . 

On s’indigne à juste titre contre les destructions opérés par les fanatiques islamistes du mouvement dit de « l’État islamique » en Iraq, avec le bris des statues (certaines néanmoins des copies en plâtre) du musée de Mossoul, et surtout l’éradication au bull dozer de sites archéologiques aussi prestigieux que ceux de Ninive (fouillé par des missions françaises et anglaises dès les années 1840), de Nimrud ou de Hatra – inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco. Il s’agit indéniablement de pertes scientifiques irréparables – et l’on peut signer la pétition lancée par des collègues orientalistes : https://www.change.org/p/la-communaut%C3%A9-scientifique-d%C3%A9fense-du-patrimoine-irakien). Mais finalement, avec des motifs idéologiques certes bien différents, l’attitude de ces élus français (parmi d’autres) envers notre patrimoine archéologique et historique est-elle si différente ? Ne s’agit-il pas d’une forme de mépris, sinon de détestation comparable pour la profondeur historique de l’histoire humaine ? D’ailleurs, ne vient-on pas de comparer la suppression programmée de l’étude des langues anciennes dans l’enseignement secondaire français à ces mêmes destructions iraqiennes ?

Parfois l’histoire, même petite, est morale. L’attaque parlementaire contre la loi de 2001 sur l’archéologie préventive fut menée avec énergie à l’automne 2002 par le vice-président du Sénat, le marquis Henri de Raincourt, qui envisagea un temps de candidater à la présidence de cette assemblée, fut ministre des relations avec le parlement, puis de la coopération, de 2009 à 2012, puis vice-président de l’UMP. Il est actuellement sous le coup d’une information judiciaire pour abus de confiance, blanchiment et détournement de fonds publics. A l’époque de l’offensive parlementaire, le Sénat avait d’ailleurs entrepris de détruire sans aucune fouille, à l’occasion d’aménagements supplémentaire, l’établissement romain sis sous son emprise, se déclarant non soumis à la loi de par la séparation des pouvoirs.

            On a retrouvé la maison du petit Jésus

Parfois aussi, l’actualité archéologique nous apporte des nouvelles plus rafraichissantes. Une annonce fracassante a fait le tour du monde le week end des 7-8 mars 2015 : des archéologues avaient retrouvé à Nazareth la maison où avait vécu Jésus enfant ! Un article de la Biblical Archaeological Review l’attestait : l’archéologue anglais Ken Dark, professeur à l’université de Reading et éminent byzantinologue avait bien découvert l’inestimable vestige. Toutefois, à le lire plus attentivement, l’article se terminait ainsi : « Cette maison est-elle celle où Jésus a grandi ? Il est impossible de le dire en se fondant sur l’archéologie. Mais d’un autre côté, il n’y a pas de bonnes raisons archéologiques pour écarter cette identification. Ce que nous pouvons dire, c’est que ce bâtiment était probablement celui où les constructeurs de l’église byzantine [qui le recouvre] pensaient que Jésus a passé son enfance à Nazareth ». En réalité, Ken Dark avait refouillé pour la troisième fois depuis le XIXe siècle les fondements d’une église byzantine du VIIe siècle de notre ère, dans la crypte de laquelle on montrait alors la maison de Jésus et le tombeau de Joseph (enfin, l’un des trois tombeaux de Joseph répertoriés). 

C’est en effet l’époque où le christianisme monothéiste, pour s’implanter durablement dans un empire polythéiste et païen, doit composer et donc promouvoir les cultes fort païens des saints et des reliques. Déjà Hélène, mère de l’empereur converti Constantin, était allée à Jérusalem au IVe siècle entreprendre des fouilles sur les lieux présumés de la crucifixion et retrouva les trois croix. Il avait d’ailleurs suffi pour cela de torturer un Juif, ce que Piero della Francesca a fort bien illustré, lequel Juif finit par avouer l’Emplacement et se convertit pas la même occasion. On découvrit aussi le Saint Tombeau (vide évidemment) et on construisit sur l’ensemble l’église du Saint Sépulcre, sans cesse remaniée et objet jusqu’à aujourd’hui de disputes permanentes et parfois violentes entre églises chrétiennes, au point que chaque soir, c’est le membre d’une famille arabe, la même depuis le temps de Soliman, qui vient fermer à clef le Saint Lieu. On honore de même le puits de Marie, ou encore la grotte de la Nativité – premier site à avoir été classé sur le territoire de l’Autorité palestinienne, au titre du Patrimoine mondial de l’Unesco, et tout autant objet de luttes farouches entre églises chrétiennes, luttes qui furent l’une des causes de la guerre de Crimée. C’est toujours, on l’oublie, le consul de la République française à Jérusalem qui a la garde (honorifique) des Lieux Saints.

Ken Dark, donc, interrogé ainsi que moi-même dans l’émission scientifique « La Tête au Carré » de France Inter du 10 mars dernier, affirma qu’il n’avait pas vraiment écrit qu’il s’agissait bien de la maison de Jésus (ce qui, littéralement, était vrai), mais que cela avait été un bon moyen de mieux faire connaître les travaux archéologique qu’il menait dans la ville de Nazareth et les campagnes alentours …

            En attendant le Rapport Faure

Revenons aux Gaulois réels, ceux que retrouve quotidiennement l’archéologie préventive. En octobre 2014, le député et ancien ministre UMP Jean-François Lamour (http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/budget/plf2015/b2260-tIII-a10.pdf) présentait devant le parlement sans doute le quarantième (à deux ou trois près) rapport sur l’archéologie depuis 1976. Il réclamait notamment le renforcement du contrôle des entreprises commerciales d’archéologie, face à « une mise en concurrence des fouilles insuffisamment maîtrisée ». De fait, avec une situation économique plus tendue, la concurrence commerciale s’est encore exacerbée dans ces derniers mois. Il avait pu être constaté en 2014 qu’à Tremblay (Seine Saint Denis), l’entreprise en faillite Archéoloire avait détruit volontairement une partie des couches archéologiques afin d’abaisser les coûts de la fouille. Il semble que ce cas, extrême, ne soit finalement pas isolé. Qu’a donc fait la haute administration du ministère de la Culture des injonctions du député Jean-François Lamour ? Elle a … commandé un nouveau rapport ! C’est cette fois la députée socialiste Martine Faure qui en a été chargée et qui, comme les différents précédents auteurs de rapports, a commencé avec soin et méthode à auditionner l’ensemble des acteurs de l’archéologie préventive. Elle devait remettre son rapport pour la fin du mois de mars ; le délai vient d’être repoussé à la mi-mai.

Sans pessimisme excessif, on ne sent pas actuellement, du côté du ministère de la Culture, une forte envie de revenir sur la loi de 2003 et son idéologie libérale débridée. Sans doute opposera-t-il à nouveau les règles européennes, qui sont comme chacun sait à géométrie variable en fonction des priorités du moment. Deux mesures minimales, sans aucun impact financier, seraient pourtant un signe positif : la propriété publique du mobilier archéologique (déjà en grande partie engagée par les lois précédentes), et le passage d’un appel d’offre économique organisé par l’aménageur économique, à un appel d’offre scientifique sous l’égide de l’État – sans même parler d’un réel contrôle scientifique, social et fiscal des entreprises privées d’archéologie (on attend toujours les bilans financiers de l’entreprise Eveha, condamnée en décembre dernier par le tribunal de commerce de Limoges à les produire, mais qui préfère payer 300 euros d’astreinte par jour de retard, plutôt que de les publier ; de même qu’on attend toujours de la part de Bercy la liste des bénéficiaire du non négligeable « crédit impôt recherche » dont bénéficient ces entreprises).

Le ministère de la Culture et celui de la Recherche (qui vient de perdre sa ministre, et dont le cabinet a jusqu’à présent systématiquement traîné des pieds sur le dossier de l’archéologie) ont néanmoins un peu de temps : le passage au parlement de la loi sur le patrimoine, devenue « création, architecture, patrimoine », régulièrement repoussé depuis trois ans et qui était prévu pour ce premier semestre 2015, n’est désormais plus attendu avant le second semestre.

« La France n’étant pas un pays totalitaire et ce lieu étant destiné au débat, seuls les commentaires signés seront publiés ».

2 Commentaire

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  • 10 avril 2015 à 16 h 10 min

    Merci de cet article très didactique M. Demoule,

    Je me permet de revenir sur une phrase qui concernait Lavau :
    « Et que ces objets témoignent déjà d’une Europe de la libre circulation, avant la lettre, des personnes et des produits. »

    Plutôt que d’Europe, ne peut-on pas plutôt parler de Méditerranée ? De monde méditerranéen déjà en formation et reliant la Grèce, l’Etrurie, la Gaule, la rive Sud de la Méditerranée, l’Orient etc. ?

    Dans une perspective de longue durée, pourrait-on voir des enseignements à tirer pour notre monde contemporain ? La méditerranée a été successivement un monde « unifié – global – ou globalisant » (monde grec, empire romain), puis, divisé (Mahomet et Charlemagne, Philippe II et Soliman). Pourrait-on formuler le souhait de voir ce monde plus uni dans un avenir pas si lointain ?
    Dans cette perspective, mon champ lexical, qui emploie volontairement un vocabulaire issu des Annales, n’est évidemment pas innocent !

  • 30 mars 2015 à 10 h 21 min

    Un grand merci, Jean-Paul Demoule, toujours aussi pédagogue et incisif : grâce à tous ces détails, j’en ai encore beaucoup appris.
    Néanmoins, un simple détail de vocabulaire (et sans vouloir fâcher Mike), puisqu’à priori nous serions français (une chance!?), nous devrions préférer bouteur à « bull dozer » (cf les manuels techniques de nos partenaires tels que Holcim, Lafarge…).

    A bientôt!
    MBA(Z)

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